BOUCHERON PATRICK (1965- )
L’historien Patrick Boucheron construit une œuvre dont les rythmes et les saillants épousent les évolutions de sa discipline comme les temps et les troubles de son époque. Portant sur le Moyen Âge, principalement celui des cités et des pouvoirs italiens entre le xiiie et le xve siècle, ses recherches dépassent ce cadre tant chronologique que spatial pour s’inscrire pleinement dans les interrogations de ses contemporains comme dans les doutes – et dans les défis – d’une discipline qu’il questionne et qu’il provoque afin de constamment la « réarmer » face aux enjeux du présent, pour emprunter ici l’un de ses verbes privilégiés. Ces interrogations portent sur la place, les moyens, les finalités et les écritures de l’histoire. Elles témoignent d’une énergie seulement comparable à celle mise au service de la promotion de cette discipline auprès d’un public toujours plus large ou à celle investie dans la familiarisation croissante de ses collègues et de ses lecteurs vis-à-vis de l’histoire globale et de l’histoire connectée, qu’il appelle plus largement « l’histoire-monde ».
Des villes d’Italie…
Né à Paris le 28 octobre 1965, Patrick Boucheron entre, vingt ans plus tard, à l’École normale supérieure (ENS) de Saint-Cloud et réussit le concours de l’agrégation d’histoire en 1988. Après une première expérience de la recherche au travers d’un mémoire de maîtrise sur Le Duel dans la société militaire du Consulat et de l’Empire (1987), c’est le Moyen Âge italien qui devient son champ d’investigation privilégié. Il travaille, sous la direction de Pierre Toubert, à une thèse de doctorat consacrée à la politique architecturale et urbanistique des ducs de Milan aux xive et xve siècles envisagée dans la perspective d’une histoire sociale des pouvoirs. Soutenue en 1994 à l’université de Paris-I, elle est publiée quatre ans plus tard par l’École française de Rome sous le titre Le Pouvoir de bâtir. Urbanisme et politique édilitaire à Milan (xive-xve siècles).
Son intérêt pour une analyse historique portée à l’échelle de cette configuration particulière des pouvoirs et des relations sociales que constituent les espaces urbains se développe dans ses travaux ultérieurs – par exemple, dans un manuel de préparation aux concours du CAPES d’histoire-géographie et de l’agrégation d’histoire, devenu un véritable livre personnel, Les Villes d’Italie (vers 1150-vers 1340), en 2004. Il s’investit également, au côté de Jean-Philippe Genet, au sein d’un vaste programme collectif portant sur la sémiologie de l’État depuis le xiiie siècle jusqu’au premier xviie siècle (programme financé par l’European Research Council en 2010), et s’engage pour la reconnaissance institutionnelle et éditoriale de ce champ de la recherche notamment à travers ses responsabilités de secrétaire général de la Société française d’histoire urbaine à sa création et son rôle dans l’animation de la revue Histoire urbaine qui lui est associée. Ces champs scientifiques – l’histoire urbaine, l’histoire sociale et symbolique des pouvoirs, l’architecture, les langages de l’autorité, l’organisation sociale de la création artistique, les institutions princières – constituent l’armature épistémologique de l’habilitation à diriger des recherches qu’il soutient en 2009 à l’université de Paris-I après avoir été promu en 2004 membre junior de l’Institut universitaire de France. Ils viennent appuyer une expérience pédagogique importante et enthousiaste nourrie depuis 1993 auprès des étudiants de l’ENS de Fontenay-Saint-Cloud puis de ceux de l’université de Paris-I – en qualité d’abord d’attaché temporaire d'enseignement et de recherche puis de maître de conférences en histoire médiévale. Élu professeur en 2012 dans cette université, il quitte ensuite l’établissement pour rejoindre en 2015 le Collège de France, y[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Yann LIGNEREUX : professeur des Universités en histoire moderne
Classification
Média
Autres références
-
HISTOIRE MONDIALE DE LA FRANCE (dir. P. Boucheron) - Fiche de lecture
- Écrit par Dominique KALIFA
- 1 130 mots
La publication en janvier 2017 de l’Histoire mondiale de la France constitue un surprenant événement, à la fois éditorial, scientifique et politique. Avec cent mille exemplaires vendus en quelques mois, c’est d’abord un extraordinaire succès public, rare pour un livre d’universitaires, récompensé...
-
LA TRACE ET L'AURA (P. Boucheron) - Fiche de lecture
- Écrit par Florian MAZEL
- 1 055 mots
Après l’intense controverse intellectuelle et médiatique suscitée par la publication sous sa direction de l’Histoire mondiale de la France, Patrick Boucheron retrouve une scène plus académique avec La Trace et l’aura. Vies posthumes d’Ambroise de Milan (ive-xvie siècle), Paris, Seuil,...
-
HISTOIRE GLOBALE
- Écrit par Pierre-Yves SAUNIER
- 5 932 mots
- 1 média
...États-Unis ou au Japon au sujet de programmes ou de manuels d’enseignement de l’histoire au secondaire. Les vifs échanges suscités par la publication, en 2017, de l’Histoire mondiale de la France (P. Boucheron dir.) suggèrent que les enjeux en la matière vont contribuer à tenir vivantes les discussions autour... -
OFFENSTADT NICOLAS (1967- )
- Écrit par Paula COSSART
- 1 290 mots
- 1 média
Ses recherches représentent une contribution essentielle à l’histoire de l’espace public. Notamment en collaboration avec Patrick Boucheron, il a mené et coordonné des recherches sur l’espace public au Moyen Âge, allant contre la thèse selon laquelle l’espace public n’aurait pas alors de domaine...