Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DEVILLE PATRICK (1957- )

Patrick Deville est né le 14 décembre 1957 à Paimbœuf, face à Saint-Nazaire, lieu de naissance du projet romanesque qu’il mène depuis vingt ans et qu’en souvenir de ses lectures enfantines, il a nommé « Abracadabra ».

Pendant plus d’un an, enfant, il est doublement enfermé : dans un corset et dans l’ancien lazaret de Mindin, transformé en asile psychiatrique. Là travaille son père, dont il relate l’histoire et celle de sa familledans Taba-Taba (2017). Le jeune garçon se sent « comme un hamster, dans la cage des longitudes et des latitudes forgée par l’atlas de son enfance ». Il en acquiert une forme d’hypermnésie. Le 21 février de chaque année, jour souvent décrit dans l’œuvre, une pause méditative lui permet de trier, de classer, afin de ne penser que l’essentiel : des romans d’une grande profusion, cependant ordonnés.

Patrick Deville travaille comme attaché culturel en Algérie et dans le sultanat d’Oman avant de s’installer un temps à La Havane. Ces séjours développent chez lui une constante curiosité pour le monde. Laquelle trouve à s’exprimer dans la direction littéraire de la Maison des écrivains étrangers et traducteurs (MEET), et dans la tenue chaque année de « Meetings » à Saint-Nazaire. Mais sa vocation profonde est ancienne : « J’ai choisi d’être écrivain. » Il précise : « C’est une décision d’enfant : brutale, définitive, irrévocable. » Parus aux Éditions de Minuit, ses premiers romans, parmi lesquels Longue vue (1988) ou Le Feu d’artifice (1992) montrent un souci formel qui ne se démentira jamais. Flaubert est alors sa référence majeure.

Le temps en accéléré

Patrick Deville - crédits : Loïc Venance/ AFP

Patrick Deville

Le projet « Abracadabra », qu’il va mener aux éditions du Seuil, met en lumière cet intérêt pour l’ailleurs et pour l’histoire. Selon Deville, tout a commencé avec le percement en 1859 du canal de Suez, avec les premiers paquebots appareillant du port industriel de Saint-Nazaire. Une mondialisation débute dont nous sommes les héritiers. L’espace se rétrécit. Significativement, les romans de Deville reposent sur le montage : il s’agit de montrer la simultanéité, traduisant la vitesse comme l’accéléré qui, en quelques images, condense le temps qui s’est écoulé. À chaque projet correspond son écriture, linéaire pour la trajectoire d’Alexandre Yersin, étoilée pour décrire Fenua.

Douze romans doivent constituer cet ensemble, dont huit ont paru, selon un double mouvement ouest-est, puis est-ouest. Pura Vida (2004) a pour cadre l’Amérique centrale ; Equatoria (2009) part de l’ouest de l’Afrique vers l’est ; Kampuchéa (2011) commence avec le procès des Khmers rouges et remonte le fleuve Mékong, éclairant la colonisation française. Peste et choléra (2012) part sur les traces d’Alexandre Yersin, savant dont l’essentiel de la carrière s’est déroulé en Asie du Sud-Est ; et Viva (2014) établit un parallèle entre Trotsky et Malcolm Lowry au Mexique ; Taba-Taba est le « roman français » relatant un voyage à travers le pays sur les traces des siens, grâce aux archives de Monne, sa tante ; Amazonia (2019) relate une descente des fleuves entre Brésil et Pérou, vus par l’écrivain et son fils. Fenua (2021) parcourt les multiples îles qui constellent l’archipel polynésien avec Loti, Gauguin, Melville et Stevenson. On perçoit l’étendue d’une œuvre qui lie sans cesse histoire et géographie, passé et présent, avec, dans les deux derniers romans, l’expression plus vive d’une inquiétude quant au devenir de notre planète.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Média

Patrick Deville - crédits : Loïc Venance/ AFP

Patrick Deville

Autres références

  • LITTÉRATURE FRANÇAISE CONTEMPORAINE

    • Écrit par
    • 10 290 mots
    • 10 médias
    ...étrangères, relayé par l’Institut français, favorise les séjours d’écrivains français à l’étranger par le truchement des « bourses Stendhal », l’écrivain Patrick Deville accueille à Saint-Nazaire, dans la Maison des écrivains étrangers et traducteurs (MEET), des auteurs de toutes origines, pour lesquels...
  • ROMAN - Le roman français contemporain

    • Écrit par
    • 7 971 mots
    • 11 médias
    ...de Claude Louis-Combet, que leur auteur tient pour des « automythobiographies » (Marinus et Marina, 1979 ; Blesse ronce noire, 1995), ou celles de Patrick Deville, désormais rassemblées dans un vaste cycle encore inachevé (Pura Vida, 2004,Equatoria,2009 ; Kampuchéa, 2011 ; Peste & choléra...