DEWAERE PATRICK (1947-1982)
Avec les cinéastes de la nouvelle vague s'imposa un nouveau type d'acteurs plus libres, affranchis des codes de la séduction classique, plus instinctifs que les « comédiens » traditionnels. À la fin de la décennie, un trait s'ajoutait à ce style de jeu en roue libre, une sorte de dérision et de désenchantement... Les comédiens du Café de la Gare surent capter cet « air du temps » pour s'imposer au moment opportun.
Patrick Dewaere, comédien formé à cette école, aura su allier une étonnante décontraction à des rôles de « perdant » classique. Acteur à la fois « primaire » et très complexe, il savait contourner les rôles les plus conventionnels en créant un mouvement de surprise, en désamorçant le dialogue ou la situation, par sa présence stridente ou angoissante, et aussi une fantaisie inattendue.
Après son expérience théâtrale, il s'impose au côté de Gérard Depardieu dans Les Valseuses de Bertrand Blier, en (1974). Puis il lui faudra échapper au style loubard « cool » ou triomphant en créant des rôles de « paumés » et de marginaux. Hormis La Meilleure Façon de marcher de Claude Miller (1976) où il compose avec jubilation un moniteur de colonie de vacances, superbe incarnation de la « majorité silencieuse » qu'il pare d'une touche d'ambiguïté, il trouvera un de ses meilleurs rôles dans, F comme Fairbanks (1976) de Maurice Dugowson, où il partage la vedette avec Miou-Miou. D'autres films de jeunes auteurs, ou des productions plus commerciales n'apportent rien à sa jeune gloire, si ce n'est un changement de peau : policier dans Adieu Poulet de Pierre Granier-Deferre (1975), ou juge dans Le Juge Fayard dit le « Shérif » d'Yves Boisset (1977). En 1978, il trouve un assez bon rôle de footballeur dans Coup de tête de Jean-Jacques Annaud. Mais son interprétation la plus impressionnante reste indiscutablement Série noire d'Alain Corneau (1979), adaptation d'un roman de Jim Thompson. Au lieu de s'en tenir à une interprétation superficielle, Patrick Dewaere semble s'identifier physiquement et moralement à ce représentant de commerce hypervulnérable, pas assez courageux pour forger son propre destin ; il met le spectateur mal à l'aise car il semble, par cette « défonce », atteindre les propres limites de sa personnalité. Sur la lancée de ce film, mais de façon plus sage, il est le « mauvais fils » dans le film du même nom réalisé par Claude Sautet en 1980 : ce dernier semble bien connaître, lui aussi, le registre de l'acteur qui, d'une autre façon que dans Série noire, est là encore très émouvant. Le rôle farfelu de Psy de Philippe de Broca (1981) est sans doute nécessaire pour débrider son énergie, mais reste assez conventionnel. Ce désir de changer radicalement de personnage, il le cristallisera encore dans Plein Sud de Luc Béraud (1981), où il est assez inattendu dans le rôle d'un jeune professeur d'université. Qu'il enseigne en faculté, ou, de façon plus modeste, qu'il donne des leçons de piano dans Beau-Père de Bertrand Blier (1981), il ne se laisse jamais imposer les contraintes de ses rôles : il les libère, sans doute par catharsis personnelle... Il tourne ensuite Mille Milliards de dollars d'Henri Verneuil (1982), production à l'échelle internationale, par désir de trouver un personnage plus « positif », parallèlement à ses derniers rôles d'importance : Hôtel des Amériques, où André Téchiné lui fait suivre l'itinéraire déjà classique d'un jeune paumé, et Le Paradis pour tous (1981) d'Alain Jessua. Patrick Dewaere se suicide en 1982.
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Écrit par
- André-Charles COHEN : critique de cinéma, traducteur
Classification
Média
Autres références
-
LES VALSEUSES, film de Bertrand Blier
- Écrit par Michel MARIE
- 931 mots
Le machisme évident dont font preuve les deux loubards est magistralement porté par la désinvolture et la spontanéité des deux acteurs révélés par ce film, Gérard Depardieu et Patrick Dewaere. Blier s'amuse à transgresser toutes les règles de la bienséance et surenchérit dans l'agressivité verbale....