FAIGENBAUM PATRICK (1954- )
Après avoir reçu une formation de peintre dans une école d'arts graphiques, Patrick Faigenbaum, né à Paris en 1954, commence la photographie en 1973. Dès cette époque, il réalise des portraits, genre auquel il ne renoncera plus. D'une part, il fait poser des personnes liées à son intimité, familiale notamment ; d'autre part, il exécute des instantanés dans la tradition américaine de la Straight Photography. Pour les portraits posés, s'inspirant de la méthode utilisée par Richard Avedon, il isole ses figures sur des fonds blancs, afin de mieux les abstraire de leur milieu. Mais une rencontre avec Bill Brandt, en 1977 à Londres, va déterminer l'ensemble de sa démarche. Commentant une série de portraits que Faigenbaum lui avait apportés, le photographe anglais déclare : « Vous photographiez des gens qui semblent liés à un cadre et vous les isolez. Montrez ce cadre. » Au regard de sa production tout entière, il semble que la sentence soit devenue une règle.
Dans la longue série sur l'aristocratie italienne qu'il entreprend à Florence en 1984 et 1985, continue à Rome pendant son séjour à la Villa Médicis de 1985 à 1987, et termine à Naples en 1990 et 1991, Faigenbaum explore le lien ténu qui existe entre des lieux chargés d'histoire et les représentants de familles dont la généalogie traverse plusieurs siècles. Les Ricci, Sforza-Cesarini, Caracciolo di Torchiarolo, photographiés dans leurs palais séculaires, témoignent d'un passé révolu. Visiteur intrigué de ces demeures ancestrales, le photographe en devient le maître de cérémonie. Intrus dans un monde clos et secret, attentif au rapport des hommes à l'espace, il place lui-même ses modèles, règle jusqu'au moindre détail les postures et dispose les objets. Dans ces images, l'architecture tient un rôle de premier ordre. Elle apporte au photographe un cadre et permet, à l'aide de cette lumière si particulière à l'Italie, de ménager plages lumineuses ou zones d'ombres intenses qui révèlent les personnages. Les compositions savantes, où l'on repère des influences directes de la peinture, confèrent aux habitants de ces lieux fascinants une présence particulière, qui participe à la fois de la mise en scène et de la juste distance établie entre eux et le spectateur. Premier témoin de ces scènes, le photographe ne cherche jamais à s'effacer. Bien au contraire, chaque prise de vue est l'aboutissement d'un engagement et d'une confrontation dont témoignent les regards fixés sur l'objectif.
Cette expérience, Faigenbaum la renouvelle en 1994 à Prague. Très imprégné du monde de Kafka, qu'Avedon lui avait conseillé de lire en 1977, il hésite entre plusieurs projets. À l'origine, il vient photographier la communauté juive selon la même recherche entreprise en Italie auprès de familles de l'aristocratie. Dans les portraits de cette autre communauté, les liens entre les modèles et le photographe sont visiblement plus délicats. Contrairement aux portraits italiens, et pour des raisons liées à son histoire personnelle – une grande partie de sa famille a été décimée en déportation –, la relation est cette fois de l'ordre de l'empathie. L'implication du photographe, parfois excessive, aboutit à ce qu'il nomme lui-même « une crise du portrait ». À ce moment, il se tourne vers la rue, sans pour autant abandonner la figure humaine. Au même titre qu'il photographiait des personnes, il fait à Prague le « portrait d'une ville ». Son approche dépend alors de rencontres qu'il provoque avec des habitants ayant un rapport intime à leur ville. En parallèle, son mode de représentation évolue. Il constitue des « instantanés construits », faisant rejouer des scènes déjà vues, dans l'idée de les retrouver à la fois intactes et plus véridiques. À Brême, où le Neues Museum Weserburg l'a invité à photographier la ville, Faigenbaum réalise[...]
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Écrit par
- Guillaume LE GALL : pensionnaire de l'Académie de France à Rome, Villa Médicis
Classification
Média