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GRAINVILLE PATRICK (1947- )

Patrick Grainville est né le 1er juin 1947 à Villiers-sur-Mer, en Normandie. Professeur agrégé de lettres, il reçoit le prix Goncourt en 1976 pour son quatrième roman, Les Flamboyants, l’épopée de Tokor, un roi fou africain, entre onirisme ardent et réalisme trivial. Critique au Figaro littéraire, membre du jury du prix Médicis, il est élu membre de l’Académie française le 8 mars 2018, au fauteuil d’Alain Decaux.

Patrick Grainville - crédits : Hermance TRIAY/ Opale/ Leemage

Patrick Grainville

Enclin à une écriture dont le foisonnement tranche par rapport à une modernité généralement plus économe de ses moyens, l’écrivain compose une œuvre prolifique, dans l’alternance des romans mythiques aux univers truculents – Les Flamboyants, Bison (2014) – et des livres où le roman se réinvente à travers l’autobiographie L’Orgie, la Neige (1990), La Main blessée (2006) ou encore Falaise des fous (2018), où se croisent les figures de Courbet, Monet, Flaubert, Maupassant, et qui se donne comme une fresque annonçant les tragédies à venir.

Le sang des bêtes

Patrick Grainville est sensible à l’intrication de la vie et de la mort qu’il repère dans l’œuvre du peintre autrichien Egon Schiele (1890-1918), vouée jusqu’à l’excès à la passion des extrêmes. Dans l’ouvrage qu’il lui consacre (Egon Schiele, 1992, rééd. sous le titre L’Ardent désir, 1996), il souligne son obsession des corps, son intérêt pour la chair juvénile, « ce qu’il y a de plus éphémère dans la beauté », privilégiant une vision érotique de la vie.

Si le corps représente l’éclat charnel d’un cycle de vie, L’Étreinte des jeunes amants, du même peintre, fascine l’écrivain. Les couples enlacés, les initiations adolescentes et les échanges amoureux sont récurrents dans ses romans. Le protagoniste de L’Orgie, la Neige retrace ses premières expériences érotiques, un hiver de 1962. Quant au narrateur de Falaise des fous, il s’expose à la ronde des amours changeantes, d’une femme désirée à l’autre. Esthète et contemplateur de paysages marins – « Je n’ai pas été peintre. J’ai regardé la vie » –, il fait le récit de sa vie, de l’orée des années 1870-1880 jusqu’aux années 1930. Orphelin d’une mère dont Degas dessina le portrait, puis jeune homme blessé en 1867 lors de la guerre coloniale en Kabylie, il vit en rentier grâce à un oncle négociant, près des falaises d’Étretat, un des paysages-phares de l’impressionnisme.

Dans L’Orgie, la Neige, si la dimension indissociable de la vie et de la mort passe d’abord par le corps des amants, elle se faufile également à travers la perception des présences animales lors de la chasse, les êtres et les choses se révélant impénétrables dès qu’ils échappent à l’humain. Vouloir être sanglier, tel est le rêve, contempler le monde d’un regard sans conscience et sans mémoire, « irradié par l’instinct, le sexe, l’effroi, la prédation. » Le jeune Normand de L’Orgie, la Neige apprécie la neige, telle une consolation restauratrice de vitalité : « Je suis le fils de la neige et du sang des bêtes. » Le chasseur cessera de tuer au fil du temps, des trahisons et de la perte des illusions. Il avouera même n’être plus qu’un pâle voyeur de l’existence.

Le roman Bison se coule, lui, dans les pas de George Catlin, qui accomplit dans les années 1830 quatre mille kilomètres entre Missouri et Mississipi pour garder par la peinture quelques traces des tribus indiennes menacées. On retrouve le goût d’une innocence perdue qui faisait le fond de L’Orgie, la Neige. Ici, les Sioux sont des hommes-bisons, des bêtes traquées – mêmes ondulations de danses et mêmes déplacements saccadés pour fuir la mort. Dans cette société guerrière vivent aussi des êtres « doubles ». D’un côté, le chamane travesti, Oiseau Deux Couleurs, cavalier à la musculature virile transparaissant sous ses robes chamarrées, par-delà les éventails de plumes. De l’autre[...]

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Patrick Grainville - crédits : Hermance TRIAY/ Opale/ Leemage

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