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PATRIMOINE, art et culture

Issu du vocabulaire juridique, le mot « patrimoine » a été utilisé au début des années 1970 pour désigner les productions humaines à caractère artistique que le passé a laissées en héritage et on n'a pas fini d'explorer le contenu du terme dans son acception récente. Pour en limiter, en fait, l'emploi aux seuls beaux-arts, les utilisateurs entendaient néanmoins écarter d'autres expressions jugées trop restrictives dans leur contenu, ou limitées au seul contexte français : « Monuments historiques », notamment. À la fin des années 1970, il était entendu qu'en adoptant le mot « patrimoine », on insistait sur la dimension collective de l'héritage : on parla progressivement de « patrimoine européen », puis de « patrimoine mondial » pour désigner des monuments, des objets et des lieux.

Introduit dans le discours quotidien français en 1980 à l'occasion de l'Année du patrimoine, le concept n'a cessé d'évoluer ; on peut même dire qu'il est encore en voie de formation. Dès le début des années 1990, en France, le ministère de la Culture s'efforça, avec une constance variable et un succès inégal, de vivifier par l'esprit des sciences sociales une administration traditionnellement cantonnée au domaine des beaux-arts (musées, monuments historiques, archéologie monumentale), pour étendre son action à des domaines nouveaux – ethnologie, sciences et techniques, culture matérielle – qu'exploraient alors quelques chercheurs (en particulier, Alain Bourdin, Henri Pierre Jeudy et André Desvallées) à l'instar de leurs homologues britanniques notamment. Le mot « patrimoine » s'est alors vite avéré d'un usage commode : désignant les productions humaines les plus variées, il possède un caractère englobant qui permet une compréhension pluridisciplinaire ; plaçant sous un même regard les beaux-arts et toutes sortes d'artefacts, il a permis d'éviter l'écueil d'une vision hiérarchisante qui se limiterait aux seuls chefs-d'œuvre de l'art.

Il devint, cependant, progressivement clair que le patrimoine ne pouvait être limité aux sciences humaines. La réflexion écologiste a poussé à considérer la question du point de vue des sciences de la Terre comme de la biologie végétale. Ainsi a été formulée la proposition que l'environnement, considéré sous l'angle de la géographie physique, de la flore et de la faune, constitue un patrimoine, passible d'évolutions, de modifications, voire de destruction, et qui influe sur les structures des sociétés et sur les comportements collectifs. Quant à la biologie animale et humaine, elle a insisté sur le caractère spécifique de chaque être vivant, souligné ses évolutions, et formulé l'hypothèse de nouvelles transformations. Les sciences dites « exactes » posent une grave question : quel patrimoine génétique des êtres vivants (animaux et végétaux) qui l'entourent l'homme doit-il conserver pour continuer de s'intégrer dans l'environnement afin de poursuivre son existence sur une planète en voie d'artificialisation de plus en plus poussée ?

Mais les sciences exactes, en entrant à leur tour dans le patrimoine, posent une autre question : comment mettre en relation le patrimoine dont elles traitent avec celui dont s'occupent les sciences humaines ? Quelle sorte de lien établir entre les patrimoines naturel et génétique et le patrimoine culturel ? À cette question, le xixe siècle positiviste avait répondu en mettant en évidence cette trilogie chère à Hippolyte Taine : race, milieu, moment constituent les conditions préalables de la production religieuse, politique, intellectuelle et artistique. À la même date, Karl Marx reliait, dans une vision moins globale, organisation sociale, modes de production et culture.[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études et à l'École nationale des chartes

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Vaison-la-Romaine - crédits : C. Sappa/ DeAgostini/ Getty Images

Vaison-la-Romaine

Abbaye Notre-Dame de Sénanque (Vaucluse) - crédits : Fred de Noyelle/ Stone/ Getty Images

Abbaye Notre-Dame de Sénanque (Vaucluse)

Incendie de Notre-Dame de Paris, 2019 - crédits : Geoffroy Van Der Hasselt/ AFP

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