- 1. Création d’un droit culturel international pour la protection du patrimoine en cas de conflit armé
- 2. La Seconde Guerre mondiale et les exactions à grande échelle contre les biens culturels
- 3. La Convention de La Haye de 1954
- 4. Exemples de conflits armés et d’efforts de protection du patrimoine dans les zones de guerre
- 5. Bibliographie
PATRIMOINE CULTUREL ET CONFLITS ARMÉS
L’histoire des civilisations est jalonnée de conflits armés dont les exactions ont terriblement choqué les esprits, non seulement par leurs conséquences en termes de vies humaines, mais aussi par les offenses faites aux richesses culturelles.
À cet égard, la conscience collective retient, comme le symbole d’une des plus grandes pertes pour la connaissance et le patrimoine culturel universel, la destruction de la bibliothèque d’Alexandrie. Toutefois, on oublie souvent que cet épisode découle directement des affres de la guerre civile entre Jules César et Pompée au Ier siècle av. J.-C. À la suite de l’indignation que souleva, chez les Romains, le sort funeste et dégradant qui avait été réservé, par ordre du jeune Ptolémée XIII, au vaincu de la bataille de Pharsale, lequel s’était réfugié à Alexandrie, une autre guerre s'engagea entre Ptolémée et César. Les troupes de ce dernier incendièrent, en 47 av. J.-C., la flotte d'Alexandrie ; mais le feu se propagea aux entrepôts, détruisant une partie de la bibliothèque et des entrepôts, qui abritaient au total entre 400 000 à 700 000 rouleaux.
Plus de 2 000 ans après, en mars 2001, la destruction des bouddhas de Bāmiyān par les talibans, en dépit des interventions internationales au plus haut niveau qui avaient eu lieu pour les préserver, témoigne de ce que les risques pesant sur le patrimoine en zone de guerre sont plus que jamais d’actualité.
Au regard de ces terribles exemples, la protection du patrimoine culturel vis-à-vis des débordements de la guerre devient une exigence qui s’est construite au cours de l’histoire dans le droit international.
Création d’un droit culturel international pour la protection du patrimoine en cas de conflit armé
Les premiers principes se dégagent dès l’Antiquité, lorsque les attentats au cours des guerres contre les sites et monuments heurtaient avant tout un ordre spirituel et appelaient à la protection des sites religieux. Cette première étape conceptuelle de la nécessité de protection du patrimoine est ainsi résumée par l'historien grec Polybe (202-126 environ av. J.-C.), selon lequel « la destruction inutile de temples, statues et autres objets sacrés est une action de fou ».
Ce n’est qu’aux xvie et xviie siècles que les premières références à la protection des biens culturels apparurent également chez des juristes internationaux. Le plus remarquable d’entre eux fut, au xvie siècle, l’écrivain polonais, Jacques Przyluski (Jacobus Prilusius), qui avança l'idée que tout belligérant devait respecter une œuvre d'art en elle-même et non plus seulement en raison de son caractère religieux. À l’aune de cette préoccupation internationale de plus en plus partagée, les traités de Westphalie en 1648 consacrèrent un jalon marquant du choix des États d’inclure dans les traités de paix des clauses stipulant la restitution à leur lieu d'origine des archives, mais aussi des œuvres d'art, qui auraient été spoliées ou déplacées au cours d'une guerre.
Au xixe siècle, les premières sources, notamment nationales, de la réglementation des hostilités s’attachent à définir des normes pour la protection des valeurs humaines. Ainsi, les Instructions de 1863 pour les armées en campagne des États-Unis d'Amérique, rédigées à la demande d’Abraham Lincoln, spécifient la préservation des œuvres d'art, bibliothèques ou instruments de grand prix au même titre que celle des hôpitaux. Elles incitent, en outre, à les protéger de tout dommage dès lors que ce dernier ne serait pas absolument inévitable.
Ces textes ont fortement influencé le développement du droit militaire des autres pays (ordre juridique national). Ils ont aussi inspiré les principes qui vont ensuite se dégager en droit international. C’est dans un tel esprit que le Pacte Roerich fut conclu en 1935 dans le cadre de[...]
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Écrit par
- Julien ANFRUNS : membre du Conseil d'État
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Médias