PATRIMOINE ET MIGRATIONS
Les patrimonialisations transnationales
La problématique des patrimonialisations des migrations/en migration a permis de reconsidérer les processus d’inclusion et d’exclusion aux patrimoines nationaux, et la construction de communautés imaginées dans des contextes multiculturels et postcoloniaux. Toutefois, le renouvellement des études sur les migrations qui a invité les chercheurs à sortir d’une approche binaire pays d’origine/pays d’installation pour, au contraire, privilégier une analyse en termes de réseaux, de diasporas et d’espaces circulatoires, a élargi la réflexion sur les patrimonialisations en posant la question de leurs liens aux mobilités dans leur ensemble (des hommes, mais aussi des biens, des symboles, des modèles, des idées, etc.), au-delà des références aux espaces nationaux. L’étude des processus d’appropriation afro-américaine de cultures africaines ou celles sur la construction transnationale de répertoires musicaux et chorégraphiques décrivent diverses manières d’interpréter, de créer et de transmettre dans des réseaux transnationaux. La construction d’un patrimoine partagé de standards de la musique judéo-espagnole de Paris à Tel-Aviv en passant par Los Angeles et Istanbul, malgré l’éclatement de la diaspora, est un exemple du désir de faire communauté au-delà de la référence à un espace géographique, à la suite de l’expérience de migrations transnationales. Les patrimonialisations ne sont donc plus seulement ancrées en un territoire, mais en plusieurs, parfois imaginaires, et utilisent des référents et des symboles qui sont eux aussi en mouvement. L’accent est alors mis sur les dynamiques de circulation en tenant compte de l’ancrage local et transnational des pratiques patrimoniales et des acteurs, sans perdre de vue les rapports de domination et les enjeux politiques qui les traversent. La prise en considération non plus des migrations, mais des circulations prolonge ainsi la remise en question de l’équation habituellement posée entre patrimoine, territoire, identité et nation. Elle invite à mettre en place de nouveaux outils d’enquête et de nouvelles technologies patrimoniales.
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Écrit par
- Anaïs LEBLON : maître de conférences en anthropologie, université de Paris-8 Vincennes-Saint-Denis, UMR 7218 Laboratoire architecture, ville, urbanisme, environnement
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