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PATRIMOINE ETHNOLOGIQUE & MÉTIERS MENACÉS

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Les industries de luxe, comme la mode, la bijouterie, les arts de la table, font appel à une multitude de petits métiers qui requièrent des compétences rares, voire uniques, et qui ne sont souvent accessibles qu'au terme d'un long apprentissage.

Industrie florissante en France, la haute couture est dépendante d'un ensemble de métiers dont la transmission est loin d'être assurée. On peut ainsi déplorer, comme le signale un maître brodeur, cité dans l'étude de Philippe Carré et Sophie Tiévant, la disparition des dernières passementières, la rareté des brodeuses et des gantières spécialisées : « Lorsque les smocks ont été remis au goût du jour par les créateurs, il a fallu réapprendre la technique qui s'était perdue. »

Le métier de modiste, qui tient dans la création et la réalisation de chapeaux de mode, est exemplaire d'un métier menacé pour lequel il existe pourtant une demande relativement importante dans des secteurs comme la haute couture ou le costume de théâtre. Comme beaucoup d'autres métiers rares, celui de modiste fait appel à des savoir-faire multiples et complexes. Ainsi, une bonne modiste doit faire preuve tant d'une bonne maîtrise de techniques très variées (coudre, modeler, façonner, former, piquer à la machine, couper, teindre, apprêter...) que d'un grand sens de l'esthétique (sens des volumes, des proportions, respect des styles...) qui nécessiteront pour les acquérir non seulement plusieurs années de pratique après le C.A.P. mais aussi une passion et un certain don.

La haute couture, comme l'ameublement, nécessite aussi de recourir en amont à des entreprises mobilisant des savoir-faire très rares. C'est le cas de certains tisseurs. Il n'existe plus en France que deux entreprises, l'une à Tours, l'autre à Lyon, qui soient capables de tisser le velours de Gênes. Et, en 1990, une des deux dernières fabriques de guipure, l'usine Sidoux de Saint-Quentin, a fermé ses portes.

La bijouterie-joaillerie, activité largement concentrée dans la région parisienne et même dans certains quartiers de Paris comme le Marais, recouvre un nombre impressionnant de métiers qui forment un système dont les maillons sont étroitement liés : diamantaires, lapidaires, sertisseurs, graveurs, émailleurs, laqueurs, ciseleurs, estampeurs...

Beaucoup de ces métiers connaissent des difficultés. Les diamantaires, qui étaient trois cent cinquante à Paris sous Napoléon III, ne sont plus qu'une trentaine, et la section diamants de l'école du Comité d'apprentissage de l'Île-de-France a cessé toute activité, comme le relève G. Sommier.

La forte interdépendance des métiers artisanaux est souvent une des causes de leur fragilité. Les métiers du meuble en sont un bon exemple. Traditionnellement concentrées à Paris dans le quartier du faubourg Saint-Antoine, la fabrication, la commercialisation et la restauration des meubles nécessitent la cohabitation sur un même territoire d'un grand nombre d'artisans spécialisés. Le faubourg abritait encore cent quatorze ébénistes, vingt doreurs, six ébénistes d'art, six sculpteurs sur bois, quatre gainiers, quatre marqueteurs, dix bronziers, onze vernisseurs au tampon, treize marbriers, vingt-six vernisseurs, selon l'annuaire de l'artisanat français de 1985, cité par Hélène Delanoé. Cette cohabitation est menacée. La forte spéculation foncière dont est victime le quartier depuis plusieurs années et la vétusté des locaux ont entraîné en effet un grand nombre de déménagements vers des quartiers périphériques. S'ajoutent à ces déplacements les difficultés inhérentes à certaines professions : matériaux qui deviennent de plus en plus rares comme les bois précieux, l'écaille de tortue ou l'ivoire, absence d'apprentis formés ou de candidats pour reprendre l'entreprise...[...]

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Écrit par

  • : conservateur en chef du Patrimoine
  • : directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales

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  • ARTISANAT

    • Écrit par , et
    • 7 105 mots
    ...Valéry Giscard d'Estaing commande à Pierre Dehaye, ancien directeur des Monnaies et Médailles, un rapport sur les difficultés des métiers d'art. Ce rapport relève quelque trente-huit métiers à sauvegarder ou à promouvoir, qui vont de l'argenteur au vannier, en passant par les fabricants de coiffes...
  • ÉCONOMUSÉES

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    • 2 500 mots
    • 1 média

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    Cette enquête faisait apparaître,...