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PATRIMOINE PORTUAIRE EN EUROPE

Quelques exemples

Marseille

La vérité oblige à reconnaître que le patrimoine industriel et technique des grands ports nés de la révolution industrielle n'a rien à envier à celui des usines classiques quant à l'indifférence au milieu de laquelle il s'est bien souvent trouvé englouti et anéanti. En Amérique du Nord les grands ports historiques de Baltimore ou de Boston ont su préserver des éléments authentiques au milieu d'opérations d'urbanisme tournant résolument le dos au passé – et, au Canada, Montréal paraît brusquement se repentir des destructions engagées depuis des décennies dans la partie historique de son port.

En France, c'est le patrimoine du port de Marseille qui cristallise les inquiétudes des « préservationnistes » attachés à la sauvegarde des éléments les plus significatifs de chaque type d'activité ou de chaque étape dans la brève histoire de l'industrialisation. En effet c'est ici que le second Empire, servi par les ingénieurs à la fois les plus qualifiés et les plus visionnaires de leur temps, a implanté le modèle britannique du port moderne ; et c'est ici, plus que sur sa façade atlantique, que la France s'est ouverte sur le monde à la faveur d'une expansion coloniale à son apogée. C'est ici, enfin, que la « mutation irréversible » s'est accomplie de la façon la plus dramatique quand la désintégration du système des échanges coloniaux s'est doublée de la révolution technique du transport maritime (le passage aux conteneurs) et de l'émigration hors de Marseille de tous les trafics lourds spécialisés, en direction de Berre et de Fos. Or, paradoxalement, la reconversion s'est faite à Marseille particulièrement menaçante pour le patrimoine du xixe siècle. Le projet fondamental de faire place nette et de récupérer les surfaces « ramenées à zéro » en vue d'un re-développement axé sur une intensification du trafic passagers et notamment des ferries longue distance a d'ores et déjà gagné la partie. Heureusement, un fort symbole architectural a été préservé et réhabilité : celui que constitue le grand entrepôt de la Compagnie des docks et entrepôts de Marseille, admirablement respecté dans sa silhouette extérieure et habilement réutilisé dans ses espaces internes. Non loin de lui, le silo à grains dit silo d'Arenc a également survécu à une longue bataille entre partisans de sa destruction et défenseurs de sa signification à l'égard d'un secteur essentiel des industries de transformation marseillaises. On ne saurait pour autant se dissimuler que ces succès partiels ne contribuent pas véritablement à un maintien sur place des signes cohérents et des traces intelligibles de ce que fut le port jusqu'au milieu du xxe siècle, à savoir le superbe outil d'une prospérité négociante et industrialisante à la fois.

Trieste

De tous les ports de la péninsule italienne, Trieste, porte de l'ancien empire austro-hongrois sur le bassin méditerranéen, est le moins italien de tous. C'est pourtant le seul qui corresponde au modèle anglais, à travers le relais de l'intervention d'ingénieurs marseillais. Avec un décalage d'une vingtaine d'années vers la fin du siècle, il a bénéficié d'une planification magistrale qui en a fait une véritable ville, avec son quadrillage de voies et de bâtiments d'une architecture homogène, en avant de la ville proprement dite : c'est le Porto Franco Vecchio, aujourd'hui largement déserté par le trafic marchand ou passager au profit d'un site plus oriental bénéficiant d'un dégagement physique important, mais privé de l'insertion dans le site urbain historique qui caractérise son prédécesseur. Depuis plusieurs années le Porto Franco est l'enjeu d'une bataille de projets dont l'issue n'est pas encore claire. L'enjeu est celui de la préservation d'une structure à la fois spatiale, architecturale[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études honoraire à l'École des hautes études en sciences sociales

Classification

Autres références

  • PATRIMOINE INDUSTRIEL EN SCANDINAVIE

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    • 3 007 mots
    • 3 médias
    ...de gares, à la suite d'un inventaire mené par les chemins de fer eux-mêmes, inventaire dont à vrai dire les critères sont essentiellement stylistiques. Mais, bien sûr, l'originalité physique des trois pays passés ici en revue est d'être des pays de côtes, de fjords et d'îles : l'unité des communications...