ARMA PAUL (1904-1987)
Né le 22 octobre 1904 à Budapest, mort le 28 novembre 1987 à Paris, le compositeur français d’origine hongroise Imre Weisshaus (qui adoptera le pseudonyme Paul Arma lors de son installation à Paris) apprend le piano dès l'âge de cinq ans et reçoit, de 1920 à 1924, un enseignement très complet, notamment en analyse et en écriture musicales, à l'Académie Franz-Liszt de Budapest, où Béla Bartók lui ouvre toutes les voies de la musique : le maître lui transmet le goût des anciens, de Frescobaldi à Bach, mais éveille également sa curiosité à la musique de son temps. Le jeune homme découvre ainsi la musique de Stravinski et celle de son professeur. Bartók lui fait également connaître la musique populaire et lui transmet l'amour de la tradition orale, apanage des hommes demeurés proches de la nature. Parfois qualifiée péjorativement de « folklorique » en Occident, cette musique, passionnée et passionnelle, s'avère souvent beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît : elle exprime la difficulté d'être, les aspirations, les joies, les peines et, de manière générale, tout ce qui relève de l'affect.
Au-delà de l'enseignement musical général proprement dit et de la formation au goût et au jugement naît une amitié profonde entre le maître et son élève. Bartók lui apprend l'exigence de soi et l'honnêteté intellectuelle : « Il faut aimer ce que l'on fait et, surtout, ne faire que ce qu'on aime, jusqu'à y engager tout son être, avec toutes les conséquences que cela implique. »
À partir de 1925, Paul Arma donne en tant que pianiste des récitals en Allemagne, en Bulgarie, en Italie, en Grande-Bretagne et aux États-Unis, où il est appelé par Henry Cowell. À la fin des années 1920, il quitte définitivement la Hongrie devant la montée du fascisme ; il perd alors les manuscrits de ses premières compositions. Il gagne les États-Unis, où il continue à donner des récitals de piano, puis s’installe en Allemagne (1930-1933), où il dirige ses premiers concerts en tant que chef d’orchestre et chef de chœur à Berlin et à Leipzig ; il collabore notamment avec Bertolt Brecht et son épouse Helene Weigel, et avec Hanns Eisler. Le régime hitlérien le contraint une nouvelle fois à l'exil. Il se fixe à Paris en 1933 et devient pianiste soliste à la radio française. Rattrapé de nouveau par l'histoire, il est poursuivi cette fois par la Gestapo, et doit vivre caché. Se réfugiant dans les campagnes, il recueille et transcrit des chants populaires et des chants du maquis. C'est plus de 1 500 chants, nés quasi spontanément pendant cette période trouble, que le compositeur découvre : chants inspirés de la haine de l'occupant ou simplement pour oublier la guerre.
Grâce aux enregistrements et aux transcriptions réalisées par Paul Arma, la musique folklorique française va rayonner dans le monde : dans l'Europe entière mais aussi en Amérique latine, au Canada et aux États-Unis. Suivant la démarche que lui a enseignée Béla Bartók, Paul Arma compose des arrangements de ces thèmes populaires. Ce travail, qui peut apparaître simple à première vue, se révèle en fait très complexe car il ne suffit pas de noter un thème, de l’insérer dans la tonalité convenable et de l'harmoniser correctement, ce qui ne serait guère intéressant ; il faut disséquer ce thème du point de vue rythmique et trouver une harmonie élaborée qui lui conférera sa véritable personnalité. La complexification de l'écriture fait entrer le folklore dans un autre monde et il acquiert une considération dans les milieux où il était inconnu jusqu'alors. Les thèmes folkloriques deviennent des œuvres élaborées et savantes.
En 1945, Paul Arma, qui avait déjà un catalogue important, doit trouver la force et le courage de recommencer à composer alors que ses œuvres[...]
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Écrit par
- Juliette GARRIGUES : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
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