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BARRAS PAUL comte de (1755-1829)

Issu d'une famille provençale noble, Barras entre dans l'armée à seize ans, fait campagne aux Indes puis sous les ordres de Suffren, et donne sa démission à la fin de la guerre d'Indépendance. Suivent quelques années plus indolentes qu'actives, d'où il émerge inopinément comme député du Var à la Convention. Il y siège à la Montagne, vote la mort de Louis XVI, est envoyé dans le Midi pour une mission d'abord militaire et se fait adjoindre Fréron. Ancien officier de carrière, c'est lui qui supervise les opérations pour la reprise de Toulon, remarque les talents du jeune Buonaparte et contribue à son avancement. Ce qui ne l'empêche pas, en même temps, de mettre la Terreur à l'ordre du jour à Marseille puis à Toulon en fort bonne entente avec Fréron ; les deux hommes sont rappelés ensemble pour leur arbitraire et leurs exactions dès janvier 1794. Laissant Fréron pérorer seul, Barras agit prudemment dans l'ombre et se lie avec Fouché ; au soir du 9-Thermidor, il commande l'action militaire qui assurera la prise de l'Hôtel de Ville et la fin de Robespierre. Mais il se gardera bien de donner dans les outrances de la réaction thermidorienne ; il entend demeurer le spécialiste militaire (maintenant promu général de division) de la défense de la République. Commandant en chef de l'armée de l'Intérieur au 13-Vendémiaire, il retrouve Buonaparte (alors en disponibilité), en fait son second et lui laisse le soin de vaincre ; il va le mettre en relation avec une de ses maîtresses dont il est un peu las, la veuve Joséphine de Beauharnais, et favoriser leur mariage ; il obtiendra peu après pour son protégé le commandement de l'armée d'Italie...

Élu l'un des cinq membres du Directoire exécutif à l'automne de 1795, Barras sera seul des cinq à rester en fonction pendant les quatre années du régime. Dans la mémoire commune, il demeure le symbole de la pourriture du temps (et La Fille de Mme Angot n'est que le pâle reflet de l'opinion générale sur ce point). Il est au-dessus des forces humaines de tenter de le réhabiliter au point d'en faire un chaste ou un incorruptible ; on peut seulement dire qu'il a pratiqué des mœurs fort courantes (pour l'époque, bien sûr !) avec une maestria exceptionnelle. Il est plus important de rappeler que, dans sa conduite d'homme d'État, le directeur Barras n'a rien eu d'un opportuniste ni d'une girouette, contrairement à plusieurs calomnies contemporaines ou postérieures ; avec Reubell, il représente constamment la gauche gouvernementale contre toute tentative de réaction, ou de restauration royaliste. Barras, qui s'oppose chaque fois qu'il peut aux poursuites contre des conspirateurs babouvistes (qui soutinrent contre Faipoult l'action jacobine de Championnet à Naples), remet Fouché en selle et impose qu'on lui confie des postes toujours plus importants. Son coup de maître, préparé et mené avec une habileté consommée, sera le coup d'État de Fructidor qui brisera net les menées crypto-royalistes des Pichegru et des Carnot.

Vient l'heure pourtant où le Machiavel thermidorien va trouver son maître en la personne de son ancien protégé. Rentré d'Égypte, Bonaparte laisse espérer à Barras une place prédominante dans le futur régime, en obtient sans peine la démission le 18-Brumaire — et le replonge dans le néant politique. « Quand Barras aura mangé sa fortune, nous l'achèterons », dit-il froidement. Dès lors, Barras outré devient le centre de diverses intrigues qui le rejettent toujours plus vers les royalistes ; assigné à résidence à Marseille, puis exilé à Rome, puis emprisonné, il recouvre sa liberté en 1814, à défaut de son importance, et achève une paisible vieillesse sous le regard tutélaire des Bourbons qui ont plus d'un[...]

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