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CHEMETOV PAUL (1928-2024)

Fils d’un couple d’origine russe, l’architecte français Paul Chemetov est né à Paris le 6 septembre 1928. Diplômé de l'École des beaux-arts en 1959, il rejoint en 1961 une équipe pluridisciplinaire, l'Atelier d'urbanisme et architecture ou AUA, à laquelle André Malraux confie quelques programmes culturels. Le groupe associe une pléiade de jeunes architectes, dont Jean Deroche, Jacques Kalisz, Michel Corajoud, Henri Ciriani ou Borja Huidobro, qui se spécialisent dans la production de logements sociaux et d'équipements publics pour les municipalités communistes de la banlieue parisienne, avant de s'autodissoudre en 1985. C'est dans ce cadre que Chemetov réalise ses premières œuvres marquantes, des logements sociaux à Vigneux et un foyer pour personnes âgées à La Courneuve (1965).

Fasciné par les procédés de préfabrication, Chemetov poursuit la tradition de Marcel Lods, André Lurçat, Auguste Perret, voire d'Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc. Architecte intellectuel, Chemetov est soucieux de faire sortir sa discipline du ghetto affairiste et professionnel, et de livrer les clés de son propre travail. Il est très présent en banlieue rouge dans les années 1970, mais sans jamais construire de grands ensembles : opérations à Saint-Ouen, Villejuif, Montreuil. Dans cette première étape néo-brutaliste, Chemetov livre donc de petits immeubles populaires, qui se distinguent de la production courante des Trente Glorieuses par une certaine urbanité, le souci de l'usager et le recours aux matériaux « pauvres ». Mais comme son éthique lui interdit de traiter le logement social comme une miniaturisation du logement bourgeois, il pratique une architecture brutalement honnête : « Il faut mettre en pièces les bâtiments, et mettre en scène les pièces que fabrique l'industrie », écrit-il alors.

À la fin des années 1970, Chemetov croit encore possible de modifier de l'intérieur la technostructure. Il est alors coopté par le Plan Construction, dont il devient vice-président, de 1982 à 1987, avec l'arrivée de la gauche au pouvoir. Rapidement déçu, il rebondit en tant qu'architecte (en association avec Borja Huidobro) et remporte à Paris deux concours importants : le ministère des Finances sous le premier septennat de François Mitterrand, la rénovation du Muséum d'histoire naturelle sous le second. Le ministère (1989) est une grande barre de bureaux perpendiculaire à la Seine, qui franchit les quais et s'enfonce par deux piles gigantesques dans le fleuve. Il s'inscrit ainsi dans la lignée des péages-fortifications symboliques, qui va des boulevards de Louis XIV à l'anneau du périphérique, en passant par les propylées de Ledoux et l'enceinte de Thiers. Architecturalement, « Bercy » veut exprimer la neutralité et l'efficacité de l'État par le recours à un classicisme hérité de Perret : ordre géant, division tripartite et matériaux pérennes en sont les caractéristiques. La grande galerie du Muséum inaugurée en 1994 est moins sévère, tout égayée par les animaux empaillés et les galopades des petits visiteurs. Chemetov-Huidobro ont su résister au technicisme borné des « programmistes et chauffagistes », sans pouvoir éviter d'aveugler la verrière (1877-1889) conçue par l'architecte Jules André. Chemetov a également réalisé l'ambassade de France à New Delhi (1985), la bibliothèque-médiathèque d'Évreux (1994), ou encore le palais omnisports Les Arènes à Metz (2001).

Auteur prolifique, il oriente sa réflexion vers l'urbain et le paysage. Pour célébrer le troisième millénaire, la « méridienne verte » suit le tracé du méridien de Paris. À cette occasion, 10 000 arbres seront plantés du nord au sud de la France. Dans son exposition Chacun sa maison (2012) à la Cité de l’architecture de Paris, Paul Chemetov[...]

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    ...Wilenko. Plus lyrique, le siège du Parti communiste français, place du Colonel-Fabien (xixe, 1967-1980), dessiné par Oscar Niemeyer et réalisé avec Paul Chemetov et Jean Deroche, est l'occasion pour Jean Prouvé de réaliser l'un de ses derniers murs-rideau ; l'un des plus spectaculaires aussi, car...