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CHENAVARD PAUL (1807-1895)

Penseur autant que peintre, Chenavard, qui fut l'ami estimé de Delacroix, illustre, dans ses ambitions comme dans son échec, le problème de la peinture à tendance philosophique qui est un des plus curieux moments de l'art du xixe siècle. Lyonnais, Chenavard relève des cercles religieux et mystiques qui abondent dans cette ville. Profondément marqué par le philosophe Ballanche et très lié aux poètes Victor de Laprade et Soulary, il échappe en fait à l'orthodoxie catholique, à la différence de Flandrin et de Janmot, pour adopter un syncrétisme encyclopédique.

« Dans ce cerveau, dira insolemment Baudelaire, les choses ne se mirent pas clairement ; elles ne se réfléchissent qu'à travers un milieu de vapeurs. » Pour Charles Blanc au contraire, Chenavard était sans conteste un « esprit supérieur ». Baudelaire, il est vrai, ne croyait pas à l'« art philosophique ». Une solide indépendance matérielle permit à Chenavard de beaucoup lire et de beaucoup voir. Ses voyages en Europe lui assurèrent une culture des plus étendues. Des rapports directs avec Cornélius et avec Overbeck devaient le familiariser avec l'effort des Allemands pour recréer un art spiritualiste.

La commande en 1848, par Ledru-Rollin et le gouvernement provisoire, de la décoration du Panthéon fut un moment important pour Chenavard. Dans ce grand œuvre, il ne propose rien de moins qu'une histoire de l'humanité et de son évolution morale, une « Palingénésie universelle ». La partie gauche de la nef du Panthéon devait être réservée à l'ère païenne, le chœur à une « Prédication de l'Évangile », fin des temps antiques et début des temps nouveaux ; à droite étaient représentés les temps modernes. Sur le pavage, au centre, entourée par l'« Enfer », le « Purgatoire », la « Résurrection » et le « Paradis », aurait figuré une gigantesque synthèse de la « Philosophie de l'histoire », nouvelle École d'Athènes du xixe siècle.

Cet immense projet fut arrêté par le décret de 1852 qui rendait le Panthéon au culte catholique. Son idéologie quarante-huitarde et son messianisme ne pouvaient plus que déplaire. Restent les cartons préparatoires (musée de Lyon) qui, exposés en 1855, ressuscitèrent la controverse. L'artiste apparaît comme appliqué et puissant, composant avec la clarté de Raphaël et recherchant la terribilità de Michel-Ange. Si le contenu idéologique nous semble lourd et trop complexe pour être encore accessible, s'il le fut jamais, on ne peut qu'être sensible à la force de ces grisailles. Chenavard avait, en effet, prévu d'abandonner la couleur pour mieux faire passer ses idées par le seul dessin.

En arrêtant l'expérience, on a en tout cas privé la France de ce qui aurait été la plus allemande des créations de la peinture française. On peut le regretter, même si les quelques œuvres laissées par Chenavard (L'Enfer, 1846, au musée Fabre de Montpellier ; La Convention votant la mort de Louis XVI, 1852, musée de Lyon) laissent supposer que le « penseur » l'emportait sur le peintre.

— Bruno FOUCART

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  • INGRES JEAN AUGUSTE DOMINIQUE (1780-1867)

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    ...attirés par la peinture décorative, peignirent à Paris les ensembles de Saint-Séverin et de Saint-Germain-des-Prés ; Louis-Victor Orsel (1795-1850) ; Paul Chenavard (1807-1895), dont le projet de décoration du Panthéon resta seulement à l'état de cartons préparatoires (conservés au musée de Lyon) ; et...