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CLAUDEL PAUL (1868-1955)

Structure de l'œuvre

Dans une lettre de 1905 à Frizeau, Claudel présentait son œuvre de la façon suivante : « Après la série de l'Arbre, j'ai vaguement l'intention de faire une nouvelle série de drames qui s'appellerait Le Fruit, et qui serait consacrée aux rapports de l'homme et de la femme et à la génération de l'enfant... Après Le Fruit, j'écrirai Le Feu, qui serait, si Dieu le permet, mon bûcher funèbre. » Aucune définition ne saurait mieux rendre compte de la structure d'ensemble de l'œuvre de Claudel.

L'égocentrisme lyrique de la jeunesse

L'Arbre, ce sont les pièces de jeunesse : Tête d'or (1889), La Ville (1890), L'Échange (1894), Le Repos du septième jour (1896), La Jeune Fille Violaine (1893, modifiée en 1898, puis en 1910 sous le nom de L'Annonce faite à Marie). Drames lyriques encore très proches de leurs origines symbolistes, exutoires de la conversation intérieure du poète et de ses conflits, ils se présentent souvent comme des monologues à plusieurs voix. À propos de la pièce qui est, peut-être, la plus belle de ce premier groupe, et assurément la plus moderne, L'Échange, Claudel a confié à Amrouche qu'il était lui-même les quatre personnages : le jeune sauvage fuyant et avide, l'épouse résignée, l'homme d'affaires américain, l'actrice lubrique et un peu folle : « Mon idée dramatique était d'écouter ces quatre voix que j'entendais chanter ensemble, et de coopérer avec elles. » Dans Tête d'or, l'auteur était déjà présent : dans cette pièce d'adieu à l'adolescence, il est à la fois le jeune mâle irrité qui part pour la conquête du monde, et il est aussi l'adolescent Cébès, qui meurt brisé avant la lutte. Dans La Ville, l'auteur est à la fois l'impatient Avare qui monte à l'assaut de l'ordre social et le poète Cœuvre qui récuse les règles du jeu. Il est aussi l'explorateur littéraire de Connaissance de l'Est, qui dévore la Chine des yeux et ne veut rien perdre de la « cérémonie de la journée » dans la campagne du Fou-kien, celui qui fait irruption dans les montagnes et les forêts d'Asie en s'imposant à elles comme « l'inspecteur de la création, le vérificateur de la chose présente », l'homme qui est venu de l'Occident pour analyser et recomposer sous nos yeux les paysages et les villes de Chine en restituant leur signification.

La volonté d'objectivité

Cette image du conquérant juvénile et rapace ne va pas disparaître dans la phase suivante, mais elle passe au second plan. À l'égocentrisme lyrique de la jeunesse va succéder un vouloir d'objectivité. Dans le cycle du Fruit, les personnages de chair succèdent aux figures stylisées des pièces de L'Arbre. Il serait d'ailleurs vain d'attribuer aux seuls événements autobiographiques liés à l'intrigue du Partage de midi l'origine de ce changement. Nous savons certes, que des êtres réels correspondent à Ysé, Mesa, de Ciz et Amalric, mais les protagonistes des pièces de la trilogie (L'Otage, Le Pain dur et Le Père humilié, 1910 à 1916) sont imaginaires, et ils n'en sont pas moins fortement individualisés. Les situations commandent l'action ; désormais, le lyrisme est tenu en bride, et il va s'épancher dans les somptueuses Cinq Grandes Odes (1901-1908) et dans ce chef-d'œuvre méconnu : La Cantate à trois voix. Ce qui a changé, c'est l'attitude de Claudel à l'égard du théâtre : il construit maintenant ses pièces de l'extérieur et il les situe dans l'histoire. « Ne pouvant écrire un poème épique, écrit-il à Frizeau en 1908, je voudrais maintenant composer un cycle de drames ne produisant pas seulement des personnages, mais l'ensemble des moyens étranges, multiples et convergents par lequel ces personnages[...]

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Écrit par

  • : ancien professeur à l'université de Berkeley, professeur émérite à l'université de Manchester, fondateur de l'Institut collégial européen

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<em>Partage de midi </em>de P. Claudel, mise en scène d'Yves Beaunesne - crédits : Raphael Gaillarde/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Partage de midi de P. Claudel, mise en scène d'Yves Beaunesne

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