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DELVAUX PAUL (1897-1994)

Né en 1897 à Antheit-les-Huy, Paul Delvaux s'est toujours défendu d'être surréaliste : « J'ai certainement été influencé par De Chirico et André Breton, mais je n'aime pas tellement qu'on me range sous leur bannière. » Épris de ses propres rêves, hanté par une enfance où il se maintient, il se méfie des groupes, des drapeaux, des systèmes et des théories. Du surréalisme, il affirme encore : « Ce qui m'en rapproche, c'est le sens poétique. Ce qui m'en sépare, c'est la théorie. »

Une fascination nocturne

On trouve dans ses œuvres, comme le montre José Vovelle dans Le Surréalisme en Belgique (1972), des références à De Chirico (avec lequel il expose à Bruxelles en 1936), et souvent à Magritte, mais aussi à des artistes appartenant à d'autres époques. Certains gestes de ses personnages féminins sont empruntés de l'école de Fontainebleau, certains corps à Ingres, certains profils à Poussin, certains chapeaux immenses à Cranach... Son macabre n'est pas sans rapports avec ceux d'Antoine Wiertz ou de James Ensor. Il met la totalité de l'histoire de l'art ou presque, au service d'une enfance dont il reste prisonnier. Car, constamment, son enfance et son adolescence sont au cœur de ses tableaux. Sorti des illustrations, réalisées par Édouard Riou, du Voyage au centre de la Terre de Jules Verne (Hetzel, Paris, 1867), livre qu'on lui a offert lorsqu'il avait dix ans, le maigre savant géologue Otto Lidenbrock et l'astronome Palmyrin Rosette, figures récurrentes (Les Phases de la lune II, 1941, Galerie Patrick Derom, Bruxelles et Les Phases de la lune III, 1942, Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam), pénètrent souvent dans les villes que parcourent les femmes nues ou vêtues d'un péplum. Dans Les Vierges sages (1965, Fondation Paul Delvaux, Belgique), les vierges portent les lampes à pétrole de son enfance. S'il est le « peintre des gares », des gares tristes (Solitude, musée des Beaux-Arts de Mons, Bruxelles, 1955), c'est également grâce à la force des souvenirs. Ainsi, il se rappelle avoir été fasciné, à six ou sept ans, par les sifflets d'un tram à vapeur. Il se souvient également d'une salle de l'école primaire, où avaient lieu les cours de musique et où il voyait « la pâle silhouette d'un squelette ricanant dans sa cage noire, tapissée de rouge ». Une visite à l'étrange musée Spitzner, musée forain d'anatomie, fait aussi partie de sa mythologie personnelle. Ces squelettes se retrouvent aussi bien dans ses tableaux aux évocations de souvenirs personnels (Le Feu, 1945, Saint Louis Art Museum, États-Unis) que dans des reprises de thèmes religieux, tels L'Annonciation (1949, Southampton Art Gallery, et 1955, musée communal des Beaux-Arts, Charleroi), La Crucifixion (1951, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles) ou La Genèse (1956-1960, fresque de l'Institut de zoologie de l'université de Liège).

Dès les premières toiles de sa seconde manière (après qu'il a détruit de très nombreux tableaux marqués par l'impressionnisme et appartenant à une période qui s'étend jusque vers 1930), Paul Delvaux peint une aura nocturne et lunaire, qui communique une certaine inquiétude. Cette tendance atteint son apogée avec le Nocturne de 1939 (musée d'Art moderne, Bruxelles), où des personnages masculins épient deux femmes, dont les gestes sont empruntés au célèbre portrait de l'école de Fontainebleau, Gabrielle d'Estrées et la duchesse de Villars.

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Écrit par

  • : professeur émérite de philosophie de l'art à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art, écrivain
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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