DEMIÉVILLE PAUL (1894-1979)
Né à Lausanne dans une famille de médecins, mais ayant, par sa mère, de solides attaches terriennes, Paul Demiéville, dont le nom est indissociable du développement des études sinologiques en France, eut l'avantage d'avoir associé dans ses études secondaires l'allemand, l'anglais et l'italien à une maîtrise parfaite du français, telle qu'un Vaudois peut l'avoir. Docteur de l'université de Paris en 1914 avec un diplôme de musicologie, il se met à l'étude du chinois à Londres puis à l'École des langues orientales vivantes, et il devient le disciple d'Édouard Chavannes (1865-1918), titulaire de la chaire de chinois du Collège de France, et de l'indianiste Sylvain Lévi (1863-1936), qui le dirige vers les recherches sur le bouddhisme. Ces études supérieures, ou les recherches postérieures, lui ont permis de joindre le russe, le chinois, le japonais, le sanskrit, le pali et le tibétain aux langues qu'il avait déjà à sa disposition.
Ses longs séjours en Extrême-Orient vont lui donner l'occasion de manier de façon très courante le chinois et le japonais.
De 1919 à 1924, Paul Demiéville est membre de l'École française d'Extrême-Orient à Hanoi, où il succède à Paul Pelliot (1878-1945) et à Henri Maspero (1883-1945). Il publie dans le Bulletin de l'École ses premiers travaux importants, qui portent sur l'histoire du bouddhisme. De 1924 à 1926, il est professeur à l'université d'Amoy, dans le sud-est de la Chine. Il y nouera des relations d'amitié avec d'éminents savants chinois et y concevra une grande estime à l'égard du peuple chinois. De 1926 à 1930, il est pensionnaire puis directeur de la Maison franco-japonaise, à Tōkyō. De ce séjour il gardera une attitude très complexe, faite à la fois de jugements sévères à l'égard des « Nippons » – c'était l'époque du militarisme japonais et des débuts de l'invasion de la Chine – et d'amitié pour quelques savants japonais. De là lui viendra en échange une véritable vénération de la part d'un grand nombre d'entre eux.
Après douze années passées dans trois pays d'Extrême-Orient, dont il gardait au total un souvenir chaleureux, Paul Demiéville va vivre le reste de sa carrière en France ; à l'École des langues orientales vivantes de 1931 à 1945, à l'École pratique des hautes études, dans la IVe section, à partir de 1945, et au Collège de France de 1946 à sa retraite, en 1964. Il est élu en 1951 à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, et il assume, de 1945 à 1975, la direction de la vénérable revue de sinologie franco-néerlandaise, le T'oung Pao. Avec la disparition, pendant la Seconde Guerre mondiale, des trois sinologues français Paul Pelliot, Henri Maspero et Marcel Granet (1884-1940), c'est Paul Demiéville qui sera le seul maître des études chinoises en France pendant deux ou trois décennies. Son rayonnement s'étend non seulement en Chine et au Japon, mais, à des titres divers, en Belgique, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, en Italie, aux États-Unis, c'est-à-dire dans les principaux pays où se sont développées, souvent de façon considérable, les études sinologiques et où l'influence de la France, pionnière en ce domaine, s'est maintenue malgré la différence des moyens mis en œuvre. Telle est la carrière de Paul Demiéville dont la bibliographie comprend environ 180 titres de livres et d'articles, plus de 100 comptes rendus et près de 200 courtes notices bibliographiques. Disséminés à l'origine dans beaucoup de revues, ses travaux ont été, pour une bonne part d'entre eux, réunis dans deux recueils, intitulés Choix d'études bouddhiques (1929-1970) et Choix d'études sinologiques (1921-1970), Brill, Leyde, 1973.
Les domaines des études chinoises[...]
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Écrit par
- Yves HERVOUET : professeur à l'université de Paris-VII, directeur de l'Institut des hautes études chinoises au Collège de France
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