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DIEL PAUL (1893-1972)

Psychologue français d'origine autrichienne, Paul Diel est le créateur de la psychologie de la motivation. Soutenu par Einstein, avec lequel il a correspondu pendant de longues années, il a travaillé notamment dans le cadre du C.N.R.S. et au sein du laboratoire de psychologie dirigé par Henri Wallon. S'écartant des voies tracées par Freud et Adler, il a voulu élever l'introspection au rang d'une méthode scientifique permettant d'étudier la délibération consciente et extraconsciente. Comme tout être vivant, l'homme doit chercher la satisfaction de ses besoins vitaux dans le monde extérieur ; mais, à la différence de l'animal, il peut à tout moment évoquer intérieurement les objets désirés et ainsi préparer à loisir des réactions nuancées.

Le fait qu'il ait accédé à la conscience comporte toutefois pour lui le risque d'un jeu avec les présatisfactions imaginatives : de prospective, l'imagination devient exaltative ; l'homme multiplie ses désirs sans égard aux obstacles réels et il justifie ces prétentions par l'illusion vaniteuse d'être supérieur aux autres. La vanité, dont nul n'est exempt, est la cause ultime de toute déformation psychique ; elle exalte à la fois les désirs corporels et les désirs spirituels, qui deviennent insatiables et s'inhibent mutuellement. La satisfaction imaginaire se change alors en angoisse destructrice. L'exaltation paraît inextricable ; or elle est légalement structurée : tout désir exalté est exposé au doute et bascule dans l'ambivalence. La survalorisation de soi (vanité) se lie à l'autodévalorisation de soi (culpabilité) ; cette ambivalence se projette en une survalorisation et une dévalorisation des autres (sentimentalité et accusation). Ces catégories, qui se soutiennent mutuellement, forment la trame de la rumination morbide. Quand on les connaît, un « calcul » est possible qui permet de déceler méthodiquement les désirs exaltés et de les dissoudre (Psychologie de la motivation, préface de H. Wallon, 1948 et 1978 ; Journal d'une psychanalyse ; 1971 ; Principes de l'éducation et de la rééducation, 1961 et 1976).

Le danger de la vanité, péché originel de la nature humaine, a été pressenti par les mythes des anciens. Le « calcul » permet d'en déchiffrer la signification profonde. Les divinités et les démons symbolisent le travail imaginatif sous ses formes sublime (surconscient) et perverse (subconscient) ; le ciel et l'enfer expriment la joie ou le tourment que l'homme se prépare selon qu'il combat sa vanité ou s'y abandonne (La Divinité, 1950 et 1971 ; Le Symbolisme dans la mythologie grecque, préface de G. Bachelard, 1952 ; Le Symbolisme dans la Bible, 1975).

La tâche morale est, en fait, biologique : elle est l'expression au niveau humain du besoin de satisfaction qui anime tous les êtres vivants et les pousse à s'adapter pour survivre de manière satisfaisante. Sorti de l'animalité, l'homme a pris conscience de la mort et du mystère insondable de l'existence. L'effroi devant le mystère est habituellement refoulé par les croyances contradictoires : soit en la Providence, qui surveille l'individu, soit dans le Hasard, qui l'ignore ; il en résulte une désorientation sur le sens de la vie et une exaltation de l'angoisse ; l'angoisse, moteur évolutif de l'apparition de la vie, devient alors involutive. Mais l'homme peut aussi comprendre et sublimer cet effroi ; il assumera la tâche vitale de combattre sa propre vanité et ainsi trouvera la récompense, la joie, qui est le contraire de l'angoisse morbide (La Peur et l'angoisse, 1956). L'œuvre de Paul Diel vise à expliquer la nécessité et les conditions de cette expérience.

— Alain BAVELIER

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