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DIRAC PAUL (1902-1984)

Spineurs de Dirac et états des électrons

L'intuition fondamentale de Dirac est alors qu'il doit exister une équation différentielle du premier ordre décrivant l'évolution dans le temps d'une fonction d'onde, et que cette équation doit être compatible avec les règles de la relativité restreinte d'Einstein. Lorsque Schrödinger avait tenté de modifier son équation pour inclure des corrections relativistes, l'équation différentielle obtenue ne semblait pas à même de décrire un atome. Dirac est influencé par les travaux de Werner K. Heisenberg (1901-1976) qui, en même temps que Schrödinger, pose les bases de la mécanique quantique, mais construit un formalisme très différent dont les éléments fondamentaux sont des matrices et non pas des fonctions d'onde. L'algèbre des matrices était alors inconnue des physiciens, mais Dirac réalise en 1928 que l’utilisation d’objets mathématiques qui ne sont pas commutatifs (c’est-à-dire dont le produit A·B est différent du produit B·A), comme le sont les matrices de l’approche de Heisenberg, lui permet de remplacer l’équation du second ordre par une équation du premier ordre, qui prescrit l’évolution dans le temps de la fonction d’onde d’une particule de masse m, de type  :

Dt Ψ (x,y,z,t) = αx Dx Ψ (x,y,z,t) + αx Dy Ψ (x,y,z,t) + αx Dz Ψ (x,y,z,t) + m β Ψ (x,y,z,t).

Dt Ψ, Dx Ψ, Dy Ψ, Dz Ψ désignent respectivement les dérivées de la fonction Ψ par rapport aux variables t, à x, y ou z. Les coefficients α et β sont des matrices de quatre lignes et quatre colonnes, ce qui implique que la fonction d'onde Ψ (x,y,z,t) possède quatre composantes.

Dirac démontre que ce « spineur » (comme l'appellent les mathématiciens) Ψ (x,y,z,t) décrit un électron de spin 1/2 et de moment magnétique –eh/4πmc (e étant la charge électrique de l'électron, h la constante de Planck et c la célérité de la lumière), et que deux des quatre composantes correspondent aux deux orientations possibles du spin de l'électron. Après quelques hésitations, il comprend en 1930 que les deux autres composantes peuvent s'interpréter comme dues à des antiélectrons de même masse mais de charge électrique opposée à celle de l'électron. Deux ans plus tard, ces positrons sont observés par Carl D. Anderson (1905-1991). En 1933, Dirac partage le prix Nobel de physique avec Erwin Schrödinger.

Durant les années 1930, Dirac contribue encore au développement de la physique quantique. Cependant, il ne souscrira pas au programme de renormalisation réalisé par plusieurs théoriciens (dont Richard Feynman), qui fit de l'électrodynamique quantique un modèle de théorie prédictive. En 1931, il montre que l'existence de monopôles magnétiques expliquerait que les charges électriques sont toutes multiples d'une charge électrique élémentaire et que la charge magnétique du monopôle doit correspondre à environ 68,5 fois la charge de l'électron ; mais cette particule ne sera jamais observée. Dirac s'intéresse aussi à la théorie de la gravitation et à la relativité générale, mais sans y obtenir les résultats extraordinaires de ses premières années de carrière. Ses découvertes théoriques ont fondé notre compréhension des particules élémentaires composant la matière, et les spineurs de Dirac décrivent encore aujourd'hui les états des électrons ou des quarks.

— Bernard PIRE

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

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Paul Dirac - crédits : A. Bortzells Tryckeri/ Courtesy of the AIP Emilio Segre Visual Archives

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