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VICTOR PAUL-ÉMILE (1907-1995)

Une passion : l'ethnologie

Que faire pour partir, mais de manière constructive, pour réussir peut-être, tout en ne suivant pas les traces de son père ? De l'ethnologie. Dans la France coloniale de l'entre-deux-guerres, la science des attirantes sociétés « primitives » s'épanouit comme discipline autonome et humaniste. Les différentes missions ethnographiques des élèves de Marcel Mauss et de Paul Rivet couvrent le monde entier : Dakar-Djibouti (1931-1933) avec Marcel Griaule, le Brésil (1934-1939) avec Claude Lévi-Strauss, le Mexique (1932-1940) avec Jacques Soustelle.... Toutes ces expéditions alimentent en articles les revues et en objets le musée d'ethnographie du Trocadéro, à Paris, fondé en 1878 et qui deviendra le Musée de l'homme en 1937. Victor suit cette voie : mais où partir ?

La rencontre avec l'explorateur Jean-Baptiste Charcot au début de 1934 est déterminante : il partira au Groenland, pour y étudier les Ammassalimiut, une population eskimo (on ne disait pas encore inuit) isolée sur la côte est et alors encore relativement méconnue. Le Pourquoi-pas ? du commandant Charcot dépose à Ammassalik, en août 1934, pour une durée d'un an, les « quatre du Groenland » : Paul-Émile Victor, chef de mission et ethnographe, Robert Gessain, anthropologue, Michel Perez, géologue et Fred Matter, cinéaste. « P.E.V. » comme on le surnomme, bon dessinateur et doué pour les langues, suit le programme et la méthode de Mauss : être curieux de tout, tout noter, tout dessiner et tout photographier, afin de comprendre tous les aspects de la société analysée, de la vie matérielle (techniques du corps, habitat, alimentation) à la vie spirituelle (légendes, contes, chamanisme), en passant par les techniques de transport et de chasse. Au-delà de l'enquête et des objets rapportés, Victor est fasciné par la « civilisation du phoque » qu'ont constituée ces nomades et par leur faculté d'« être heureux » en satisfaisant un petit nombre de besoins essentiels. Au cours de ce premier hivernage, une véritable vocation polaire naît chez lui, se substituant au simple désir de fuir l'Europe en voyageant.

De retour en France en septembre 1935, P.E.V. ne songe qu'à repartir. Son idée : traverser la calotte glaciaire du Groenland en traîneaux à chiens. C'est la TransGroenland, qu'il réalise l'année suivante, d'ouest en est, avec Gessain, Perez et l'archéologue danois Eigil Knuth, sur les traces du Norvégien Fridtjof Nansen, du Groenlandais Knud Rasmussen ou de l'Allemand Alfred Wegener. Sous l'ethnographe perce l'explorateur : cet exploit sportif – 45 jours de lutte acharnée contre les blizzards et les glaces de calotte du Groenland – est aussi le prélude à l'exploration scientifique du Groenland qu'il organisera après la Seconde Guerre mondiale. Au terme de cette traversée, Victor hiverne une deuxième fois, avec une famille inuit, à Kangerlugssuatsiak, à 200 kilomètres au nord d'Ammassalik. Pendant un an, il vit « comme un Eskimo parmi les Eskimo », chassant et explorant l'arrière-pays, complétant surtout ses enquêtes ethnographiques. Pour lui, l'ethnographie doit être participante et même « amoureuse » (il aura une liaison avec une jeune Inuit) : pour étudier les Ammassalimiut, il faut vivre avec et comme eux, utiliser leurs techniques, conduire le traîneau ou le kayak, s'assimiler au groupe afin de devenir invisible.

De retour en France en octobre 1937, il mène de front cursus ethnographique et carrière d'explorateur : conférences, articles pour le grand public, publication de son journal d'expédition (Boréal, 1938 ; Banquise, 1939), introduction des techniques inuit en France (raid transalpin en traîneaux à chiens, 1938), étude ethnographique en Laponie (1939). Sur le plan tant scientifique[...]

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