PAUL ET VIRGINIE, Jacques Henri Bernardin de Saint-Pierre Fiche de lecture
Jacques Henri Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814) est resté dans notre mémoire culturelle comme un romancier. Il l'est devenu presque par hasard, après avoir tenté de faire fortune comme ingénieur ou comme réformateur attitré d'une cour étrangère. Il tire de son séjour à l'île Maurice (alors île de France) un savant et technique Voyage à l'isle de France (1773) qu'il songe à compléter par le récit véridique d'une jeune Française noyée dans un naufrage au large de l'île. Il rédige une première Histoire de Mlle Virginie de La Tour restée à l'état de manuscrit. Ses ambitions théoriques lui font mettre en chantier une vaste synthèse pour chanter les harmonies qui unissent minéraux, végétaux et animaux, et prouver la bienfaisance de la Providence. Le savoir scientifique acquiert ainsi tous les chatoiements du style pour révéler la présence de Dieu dans la nature. La fiction doit permettre de frapper la sensibilité et de mobiliser le cœur des lecteurs et des lectrices. Une nouvelle version de l'histoire de Mlle de La Tour, intitulée désormais Paul et Virginie, paraît donc dans le quatrième et dernier tome des Études de la nature (1784-1788), avant d'être rééditée séparément en 1789, puis en 1806, avec un long préambule. Le succès est aussi immédiat qu'imprévu. Mais comme Laclos, son exact contemporain, Bernardin de Saint-Pierre est resté l'homme d'un seul roman.
Un nouveau pathétique
Deux cabanes abandonnées attirent l'attention du narrateur qui interroge un vieillard et se fait raconter l'histoire de ses habitants. Une jeune veuve enceinte, Mme de La Tour, et une paysanne séduite et abandonnée, Marguerite, y ont fui la métropole et l'hypocrisie de la société. Elles accouchent respectivement de Virginie et de Paul, élevés ensemble, que tout destinait à s'aimer, dans le décor grandiose d'une nature tropicale et dans le cadre d'une vie agraire où les deux familles se font aider par des serviteurs noirs. Le bonheur est pourtant troublé par la violence de la nature (un ouragan destructeur), et par celle de la société, sous la forme brutale de l'esclavage qui sévit dans les grandes propriétés de l'île, ou, de manière plus insidieuse, à travers la pression morale qu'exercent le gouverneur de l'île et le clergé. Une riche tante propose d'accueillir en France Virginie et de la doter généreusement. Mme de La Tour se laisse fasciner par la perspective. Habituée à la pleine nature, amoureuse de Paul, Virginie se montre pourtant incapable de s'adapter à la mondanité parisienne. Elle décide de rentrer et disparaît dans le naufrage du navire qui la ramène, sur les récifs qui bordent la côte et sous les yeux mêmes de Paul. Le jeune homme ne tarde pas à dépérir, ainsi que les deux mères. Le vieillard demeure le seul témoin d'un rêve idyllique, rattrapé par une réalité trop dure.
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Écrit par
- Michel DELON : professeur de littérature française à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Autres références
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BERNARDIN DE SAINT-PIERRE HENRI (1737-1814)
- Écrit par Gabriel-Robert THIBAULT
- 1 886 mots
...initiale d'apologétique ne s'est pas muée en exercice de sagesse spirituelle et de contemplation religieuse. En 1788, Bernardin de Saint-Pierre y adjoint Paul et Virginie. Le succès de cette œuvre en sera accru. Ce texte est à rapprocher de L'Arcadie dont la publication fut posthume mais que M....