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HINDEMITH PAUL (1895-1963)

Ferruccio Busoni - crédits : General Photographic Agency/ Hulton Archive/ Getty Images

Ferruccio Busoni

À l'origine du mouvement musical moderne en Allemagne, Paul Hindemith, à l'instar d'Arnold Schönberg en Autriche, représente une figure de compositeur et de théoricien de premier plan. Sous le régime de la République de Weimar, il est le symbole de la modernité, en réaction contre les derniers tenants du post-wagnérisme. Il est devenu celui du néo-classicisme, si ce n'est du conservatisme musical.

Le secret de son évolution se cache peut-être derrière le souci inavoué qui le conduisait à discipliner sans relâche une vitalité débordante, un instinct puissant de création dont la prodigieuse fécondité ne peut être comparée, à l'époque contemporaine, qu'à celle de Darius Milhaud. Il a systématisé – peut-être avec trop de volonté logique – sa théorie de la musique. Fidèle à son idéal, il figure le type de l'artisan au métier sûr et de l'artiste soucieux par-dessus tout de la forme.

À la recherche d'une discipline

Né à Hanau d'une famille originaire de Hesse et de Silésie, Paul Hindemith entre au Conservatoire de Francfort-sur-le-Main en classe de composition après des études de violon commencées dès 1904. En 1915, il devient Konzertmeister à l'Opéra de cette ville, poste qu'il occupe jusqu'en 1923. Il déborde d'activité, comme violoniste, comme chef d'orchestre et surtout comme altiste – en particulier dans le quatuor qu'il a fondé avec Licco Amar. Tout ce qui est résolument moderne l'intéresse. En 1921, il crée et dirige jusqu'en 1926 le festival de musique nouvelle à Donaueschingen. Les harmonies audacieuses de son opéra en un acte, Mörder, Hoffnung der Frauen (L'Assassin, espoir des femmes, op. 12, 1921) et la Suite pour piano (op. 26, 1922) traduisent une révolte de jeunesse contre la tradition. L'année 1924 consacre le fruit de ces premières recherches esthétiques. Il écrit Das Marienleben (Vie de Marie, op. 27), pour trois voix et piano, d'après Rainer Maria Rilke ; cette œuvre où la polyphonie obéit à un diatonisme modal original, est le résultat de son étude de la musique baroque allemande, de celle de Jean-Sébastien Bach en particulier. Il découvre ainsi la rigueur de l'écriture formelle qui discipline son tempérament de fougueux créateur. Avec le Concerto pour orchestre (Konzert für Orchester, op. 38, 1925), Hindemith rompt avec la tradition allemande du poème symphonique et du drame musical post-wagnérien, continuée encore par Richard Strauss (1864-1949). Opposé à la forme sonate et au concerto tels que le siècle précédent les a chéris et savamment illustrés, « le concerto devient pour Hindemith le type de composition qui permet de réaliser son double idéal de polyphonie et de force dynamique » (Heinrich Strobel). On pourrait établir assez justement un parallèle avec le style des concerti grossi italiens. Cette redécouverte par Hindemith du grand art musical baroque est d'ailleurs contemporaine des divers « retours à Bach » qui, en Europe, naissent un peu partout.

Matthias Goerne - crédits : Marion Kalter/ AKG-images

Matthias Goerne

Entre les années vingt et trente, Berlin, ville en pleine effervescence artistique, accueille une pléiade d'artistes ; hommes de théâtre, compositeurs, chefs d'orchestre, tels qu'Erwin Piscator (1893-1966), Ferruccio Busoni (1866-1924), Arnold Schönberg (1874-1951), Otto Klemperer (1885-1973), Erich Kleiber (1890-1956), Bruno Walter (1876-1962), Wilhelm Furtwängler (1886-1954). La plupart d'entre eux doivent quitter l'Allemagne après l'avènement du régime hitlérien. Paul Hindemith enseigne à la Hochschule für Musik de Berlin (1927-1937), et fait de longs séjours à Ankara (1935-1937) où le gouvernement turc l'invite à créer un système d'éducation musicale selon les principes esthétiques occidentaux. Les nazis reprochent à Hindemith de s'opposer à Wagner et de favoriser une tradition musicale d'inspiration[...]

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Écrit par

  • : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien

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Ferruccio Busoni - crédits : General Photographic Agency/ Hulton Archive/ Getty Images

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