KARAGEORGEVIĆ PAUL (1893-1976)
Né à Saint-Pétersbourg, fils d'Arsen Karageorgevič, le frère du roi Pierre 1er de Serbie, et d'Aurora Demidova, le prince Paul s'est marié en 1923 à la princesse grecque Olga dont il eut trois enfants. Après des études en Angleterre, il vécut souvent à l'étranger, s'intéressant surtout aux œuvres d'art ; son cousin germain le roi Alexandre Ier de Yougoslavie le tenait à l'écart de la vie politique. Mais le testament du roi assassiné à Marseille le 9 octobre 1934 le désigne comme premier des trois régents, pendant la minorité du roi Pierre II, et il assume seul tout le pouvoir de la régence jusqu'au 27 mars 1941, s'intéressant particulièrement à la politique extérieure. Homme de compromis, dépourvu de sentiment nationaliste serbe, il s'oriente vers un accord avec les Croates qui s'opposaient à un État centralisé, tout en maintenant un pouvoir autoritaire malgré certains assouplissements. En juin 1935, il avait formé un cabinet de conciliation nationale avec à sa tête le Serbe Milan Stojadinovič, qui prit une grande influence sur les affaires du pays. Y a-t-il eu finalement rivalité entre les deux hommes ? Ce qui est certain, c'est que Stojadinovič suscita une opposition politique croissante et surtout ne put résoudre la question croate ; afin d'éviter que l'Allemagne et l'Italie, qui accentuaient leur emprise en Europe, n'utilisent à leur profit les tendances autonomistes croates, le régent se sépara de Stojadinovič en février 1939 ; il chargea D. Cvetkovič de rechercher un accord avec Maček, le chef du Parti paysan croate, avec lequel lui-même avait eu des contacts antérieurement. En août 1939 fut créée une banovine de Croatie englobant une partie de la Bosnie et dotée d'une certaine autonomie, et Maček entra au gouvernement. En dépit de l'amélioration qu'il apportait, l'accord était tardif, incomplet et avait été conclu sans la participation des partis serbes d'opposition.
Sur le plan extérieur, malgré son anglophilie, le prince Paul s'est rapproché de l'Allemagne fasciste. En fait, les pays alliés eux-mêmes composaient avec Hitler et, frappés par la crise économique, n'offraient pas de débouchés aux produits yougoslaves. De façon illusoire, le régent a pensé maintenir l'intégrité de la Yougoslavie et lui éviter la guerre par une politique de « neutralité ».
Abandonnant ses alliances antérieures (Petite Entente), la Yougoslavie a conclu des pactes d'amitié avec ses anciens « ennemis », qui renonçaient à leurs visées territoriales contre elle (Italie en 1937, visite du régent en mai 1939 ; Bulgarie en 1937 ; Hongrie à la fin de 1940). En juin 1939, le prince Paul se rendit en Allemagne pour y rencontrer Hitler et il fut reçu avec les plus grands honneurs ; le 4 mars 1941, lors d'une nouvelle entrevue, à Berchtesgaden, le führer exigea l'adhésion de la Yougoslavie au pacte tripartite. Considérant que son pays était mal préparé à la guerre, arguant de la passivité des Croates et des Slovènes en cas d'attaque allemande et de l'impossibilité d'obtenir une aide alliée importante (en septembre 1939 il avait réclamé un débarquement allié à Salonique et pris ensuite, mais en vain, des contacts avec des états-majors alliés), le régent décida, en accord avec le conseil de la Couronne, d'adhérer au pacte tripartite (25 mars 1941), moyennant certaines garanties (respect de l'intégrité territoriale de la Yougoslavie et absence d'obligation d'aide militaire) et une clause secrète lui promettant Salonique. On peut se demander si le régent voulait ainsi se maintenir au pouvoir, voire prendre la place du roi : les témoignages divergent sur ce dernier point. Cette adhésion, contraire à une grande partie de l'opinion publique, surtout serbe, provoqua le 27 mars 1941 un coup d'État, dirigé par le général Simovič et[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Marie-Paule CANAPA : chargé de recherche au C.N.R.S., Centre d'études et de recherches internationales (C.E.R.I.)
Classification