McCARTHY PAUL (1945- )
Avant de connaître la notoriété, Paul McCarthy (né en 1945 à Salt Lake City) fut longtemps considéré comme un « jeune » artiste sulfureux et marginal. Un statut qu'une première rétrospective importante à New York en 2001, suivie d'expositions d'envergure à Munich et Londres (2005), puis Stockholm et Gand (2006-2008) ont permis de reconsidérer. Ces manifestations ont non seulement eu le mérite de démontrer que la création de cet artiste a débuté à la fin des années 1960, mais surtout qu'elle a su évoluer de manière à constituer un œuvre au sens le plus cohérent du terme, bien que ses installations tape-à-l'œil parsemées ici et là dans des expositions collectives ne soient pas toujours en mesure de le légitimer.
Souvent assimilées à l'esprit débridé qui caractérise la scène artistique de la côte ouest, les œuvres de Paul McCarthy n'ont cessé de promouvoir une approche ancrée dans la société et de facto diamétralement opposée à toute visée introspective d'un « art pour l'art » chère aux protagonistes des différentes ramifications de l'abstraction picturale américaine, de l'art minimal et, en partie, de l'art conceptuel. C'est pourtant au regard du geste libérateur d'un Jackson Pollock, tel qu'on le voit retranscrit par les photographies de Hans Namuth, que peuvent être lues les performances entreprises par McCarthy lorsqu'il s'appuie sur une matière picturale dont il se détournera par la suite (Face Painting. Floor, White Line, 1972, Whipping a Wall with Paint, 1974). Faisant écho aux actions produites par Bruce Nauman et Vito Acconci, auquel il rendra hommage en 1995 (FreshAcconci), McCarthy instrumentalisera dès le début des années 1970 son propre corps à des fins créatrices. Dans un premier temps, il privilégie une optique qui vise à expérimenter les capacités de résistance corporelle avant de soumettre sa personne à des performances plus « théâtrales » qui cherchent à « radiographier » la culture américaine au sens large du terme. S'en prenant à une société de consommation dont sa Californie d'adoption lui fournira une sorte de quintessence, il met progressivement ses multiples paramètres en lumière, s'attaquant à ses mythes et stéréotypes, à ses industries cinématographiques et télévisuelles, à ses habitudes alimentaires et ses parcs à thème, tout en s'attachant corollairement à puiser dans les déviances de l'American dream, comme on le voit avec les nombreuses déclinaisons et excroissances pornographiques affichées par l'artiste depuis le milieu des années 1970.
Bien que ses performances et installations reposent souvent sur des ressorts burlesques, le mauvais goût affiché par un artiste qui va toujours dans le sens d'une esthétique de l'exagération traduit un profond malaise qu'une lecture au premier degré ne permet pas d'assimiler aisément. L'univers standardisé de l'Américain moyen, qu'il soit enfant ou adulte, bien que ce dernier soit toujours infantilisé par l'artiste, est continuellement réduit chez Paul McCarthy à des dysfonctionnements qu'aucune forme de compassion ne vient atténuer. Le constat de l'artiste est sans appel et l'interprétation qu'il propose des rouages socioculturels ne saurait dépasser un seuil régressif que des allusions au stade anal et à une sexualité dépravée souvent augmentée d'effets gore ne fait qu'amplifier.
La cellule familiale (FamilyTyranny, 1987 ; Cultural Gothic, 1992) est souvent dans la ligne de mire de Paul McCarthy, de même que les innombrables icônes (Heidi, 1992 ; Pinocchio PipenoseHouseholdDilemma, 1994 ; Tokyo Santa, 1996 ; Caribbean Pirates, 2001-2005) affiliées à un monde de l'enfance que l'artiste juge moralement corrompu. À ce titre, son intervention à la Maccarone Gallery[...]
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Écrit par
- Erik VERHAGEN : maître de conférences en histoire de l'art contemporain à l'université de Valenciennes, critique d'art, commissaire d'expositions
Classification
Autres références
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BODY ART
- Écrit par Anne TRONCHE
- 4 586 mots
- 1 média
...viennois une méditation paroxystique sur la souillure dont on peut percevoir la lointaine influence dans les performances ludiques de l'Américain Paul McCarthy, dès 1975, ou, plus récemment, dans celles de son compatriote Mike Kelley. À l'aide de masques, de déguisements et d'objets empruntés...