NEWMAN PAUL (1925-2008)
Impossible d'échapper aux yeux bleu acier de Paul Newman, à la clarté du regard renforcée par la blondeur des cheveux. Sans doute, Newman n'est pas la seule star aux yeux bleus, mais son regard est un piège profond dans lequel le spectateur se plaît à plonger en toute conscience. L'acteur n'a cessé d'en jouer tout en en connaissant les risques. Il est nécessairement sympathique, même si son comportement laisse parfois transparaître quelque perturbation psychologique pouvant aller jusqu'à une pathologie inquiétante. Sympathique parce que moderne, c'est-à-dire parfaitement contemporain, à la différence de ses prédécesseurs Gary Cooper ou Henry Fonda, qui suscitent la nostalgie pour un passé chevaleresque ou patriarcal, ou encore James Stewart, idéaliste porteur d'un constant malaise. De plain-pied dans la seconde moitié du xxe siècle, pilote automobile, militant libéral, généreux avec les œuvres caritatives efficaces, six fois sélectionné pour l'oscar du meilleur acteur avant de le recevoir tardivement (La Couleur de l'argent, de Martin Scorsese, 1987), Paul Newman ne cesse d'exprimer dans son jeu la fragilité de celui qui, bien qu'il sache ses valeurs humanistes sans cesse menacées, ne renonce pas.
Du révolté à l'antihéros
Paul Leonard Newman est né le 26 janvier 1925 dans un faubourg de Cleveland (Ohio), d'une mère d'origine hongroise. Son père, d'origine germano-juive, tenait un important magasin d'articles de sport que le jeune homme voudra fuir à tout prix. Dès sept ans, à l'école, il joue des pièces de théâtre. En 1943, parallèlement à des études de sciences économiques au Kenyon College de Gambier (Ohio), il joue au théâtre – The Front Page, La Mégère apprivoisée... – puis entre dans une troupe du Wisconsin. En 1951, il laisse à son frère le magasin paternel et commence à jouer à l'école d'art dramatique de l'université Yale, où il étudie puis enseigne la mise en scène. Il trouve bientôt quelques rôles dans des téléfilms de C.B.S. à New York, puis il s'inscrit à l'Actors Studio où l'enseignement de Lee Strasberg le marquera profondément. À Broadway, il est remarqué pour ses prestations dans Picnic (1953) et Desperate Hours (1955), pièces montées respectivement par Joshua Logan et Robert Montgomery. Il y rencontre Joanne Woodward, qu'il épousera en 1958, et signe un contrat avec la Warner Bros.
Newman déteste son premier film, Le Calice d'argent, de Victor Saville (1954). Avec lui commence la rude et répétitive comparaison avec Marlon Brando et il est certain que l'acteur n'a pas ici, dans le rôle d'un jeune sculpteur grec, la prestance de Brando dans Jules César, porté par la mise en scène de Joseph L. Mankiewicz et le verbe de Shakespeare. À deux reprises, Newman remplace James Dean, tragiquement disparu en 1955. Avec Marqué par la haine (Robert Wise, 1956), qui connaît un grand succès populaire, son personnage commence à se façonner. Le boxeur Rocky, inspiré de l'autobiographie de Rocky Graziano, est un révolté, en lutte contre la société comme avec ses proches. Il traverse la déchéance et la délinquance pour aller vers une rédemption qui le mène au championnat du monde. Dans Le Gaucher (1958), le jeu de Newman est encore très – trop – marqué James Dean et l'Actors Studio. Mais le film marquera une date dans l'histoire du western et constituera un tournant dans l'histoire du cinéma américain, en faisant connaître un cinéaste comme Arthur Penn en Europe. Comme Rocky, Billy est un être frustre, individualiste, blessé mais généreux, en proie à une révolte incontrôlée, et qui découvrira trop tard le chemin vers la lumière.
Le thème d'une rédemption après un trajet marqué par un masochisme autodestructeur – comme chez Brando et Dean – se retrouvera[...]
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Écrit par
- Joël MAGNY
: critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux
Cahiers du cinéma
Classification
Média