NIZON PAUL (1929- )
Paul Nizon envisage « l'écriture comme un engagement existentiel total ». Il a peu à peu éliminé de sa vie tout élément qui ne lui est pas directement lié : son travail de critique d'art, tout type d'engagement, toute appartenance à un groupe littéraire. Son « atelier » constitue le centre de son univers : il a besoin pour écrire d'un isolement total, dans une chambre séparée de son habitation, dont la localisation peut varier mais pas le mobilier ni les objets, les mêmes depuis toujours. Il s'y confronte à « l'idée qu'il soit possible [...] avec des rêves, des cogitations, des ressassements, des fantasmes, de réussir à créer un monde et que celui-ci pût être plus magnifique et radical, plus riche, plus complet, et surtout plus indestructible que celui que nous offre la soi-disant réalité. Que la vie et votre propre personne puissent être affaire d'invention et d'auto-invention, d'imagination et non point simple enregistrement de faits, d'impératifs, de déterminismes ».
En quête d'une forme littéraire
Né à Berne en 1929, Paul Nizon reçoit une éducation allemande traditionnelle. Son père, d'origine russe, a créé au domicile familial un « laboratoire d'analyse et de recherche ». Il meurt très tôt en laissant sa famille dans une situation financière difficile, l'obligeant à transformer son appartement en pension.
Dès l'enfance, Paul Nizon se dit écrivain comme sa sœur s'affirme musicienne. C'est d'ailleurs une musique qui monte en lui face à chaque image, ou chaque émotion, sans qu'il parvienne, malgré son désir, à la traduire en écriture. Dès l'obtention du baccalauréat en 1949 il part, cherchant à rejoindre les îles Lipari, pour tenter, en levant « les ancres du savoir certain » et en se laissant porter au fil du temps et des lieux, d'aboutir à un résultat concret : aucune des formes littéraires traditionnelles (roman, poésie, théâtre), ne lui correspond.
En 1951 il reprend ses études, se marie en 1954 et devient père de deux enfants. Sa thèse, soutenue en 1957, est consacrée à Van Gogh. Le peintre dont il étudie particulièrement la correspondance devient, avec Robert Walser, lu dès l'enfance, une figure essentielle. « Poète sensible aux images », Paul Nizon est impressionné par leur pratique d'un « métier exercé de toutes leurs forces », et par l'entreprise de Walser qui « sans idées ni contenus, sans message, voire sans thématique notable, [a pu] néanmoins pratiquer une activité d'écriture et la maintenir en vie rien qu'avec les moyens de la langue ! ».
C'est à ce résultat que parvient peu à peu celui qui est alors assistant au Musée historique de Berne. En 1959, il publie Les Lieux mouvants, dix courts textes reprenant l'expérience du voyage initiatique italien et aussi quelques scènes de sa vie d'étudiant à Berne lorsqu'il gagnait sa vie comme coursier. Le processus de création de Paul Nizon est déjà en place : il part d'éléments du passé, mais ne cherche pas à en tirer une quelconque leçon rétrospective. Son souci essentiel est d'« être à l'affût de la vie », des moindres moments et impressions de l'existence.
Boursier à l'Institut suisse de Rome, il se retrouve sans projet concret. Il naît à sa vie d'artiste, sans prendre de notes utilisables par la suite. Il se dépouille de l'idéalisme qu'il ressentait comme un poids, apprend à jouir de tous les aspects de la vie dans la ville, arpentée au cours de promenades à pied ou en bus et dans le côtoiement de la femme : « La fonction de la dispensatrice d'amour, de la belle est prédominante pour moi, écrit-il : elle est la raison d'être par excellence. » Mais de Rome il ne rapporte aucune œuvre.
Il faut une nouvelle expérience, à Barcelone[...]
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Écrit par
- Aliette ARMEL : romancière et critique littéraire
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