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NIZON PAUL (1929- )

« Où est la vie ? »

La publication de Canto suscite de nombreuses critiques, parfois négatives : son style âpre, à la limite de la prose poétique, totalement personnel, déconcerte. Paul Nizon surnomme la période qui suit cet espoir déçu, « les sept années maigres ». Il se construit un mode de vie particulier : critique d'art indépendant à Zurich, il économise pour se retirer plusieurs mois à Londres afin d'écrire. Il ne parle pas l'anglais et y vit dans une totale solitude, n'ayant de contacts qu'avec Elias Canetti, le seul écrivain vivant dont il se sente proche. À Zurich, il fréquente des peintres sur lesquels il publie des monographies. C'est le seul moment où il ouvre son écriture à une réflexion proche du politique : il publie en 1970 un essai, Diskurs in der Enge (« Discours à l'étroit »), recherche polémique sur la situation culturelle de son pays.

La publication de Dans la maison, les histoires se défont (1971) marque son retour dans la vie littéraire. Présenté comme une accumulation de matériaux liés à l'enfance, autour du pôle central de la maison, cet ouvrage est composé de courts textes décrivant des situations et des personnages au quotidien. L'agencement des textes, regroupés en chapitres liés à une thématique très particulière du lieu (« la maison a sa rue » ou « la maison a sa rubrique décès »), annonce et déploie clairement son objectif : « La maison te recouvre de ses plis. La maison te bouche la vue. Il te faut renverser la maison. »

Après le succès critique de ce livre, il écrit Immersion, procès-verbal d'un voyage aux enfers (1972), retour au monologue intérieur de Canto, mais où le narrateur raconte cette fois sa propre histoire au passé. Paul Nizon cherche ensuite à atteindre à travers le personnage de Stolz (1975) ce qu'il appelle « son Walser intérieur », retrouvant le cadre de la ferme du Spessart où il avait rédigé sa thèse sur Van Gogh. Ce livre est une exception dans l'œuvre de Paul Nizon. Rédigé à la troisième personne, il ne part pas à la découverte de l'inconnu au fil de la plume. Les lieux, les personnages, les situations ont été déterminés par l'auteur avant de commencer à écrire. Mais la vie le rattrape : « Au lieu de travailler, [Stolz] sombre dans une somnolence de plus en plus profonde. Elle s'installe comme une maladie et le fait mourir de froid et disparaître dans la forêt hivernale. » Paul Nizon a voulu se confronter à une part de lui-même, cette tendance à la léthargie qu'il déteste. Il a écrit un chef-d'œuvre, qui est aussi un très grand succès éditorial, mais il se retrouve atteint par la maladie dont il avait cru se libérer en la décrivant.

Il bouleverse à nouveau sa vie, quitte sa seconde femme, se réfugie dans l'appartement qu'une tante morte lui a légué à Paris. « Je suis venu en France pour connaître le bonheur sur terre et apprendre à vivre. » Dans un premier temps, il y trouve une solitude absolue, où il pense devenir fou. Il travaille d'arrache-pied à des essais sur Walser et Van Gogh, mais son impression de n'avoir pas de place sur cette terre, sauf dans sa minuscule « chambre-alvéole », le tourmente. La jeune femme rencontrée en Angleterre en 1977 est alors en permanent déplacement à l'étranger et ils ne commencent à vivre ensemble qu'à la fin de 1978. Il rédige alors le récit de cette année terrible : L'Année de l'amour (1981). Là, il décrit sa mélancolie, sa solitude mais également la quête amoureuse et la sensation de bonheur produite par la participation sans bornes aux éléments les plus infimes de la ville, qui lui permettent de suppléer à cette « absence de thèmes, absence de pays d'attache, absence de repères idéologiques » qui le poursuit depuis toujours. L'observation de l'activité d'écrivain, l'acuité[...]

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