PARAY PAUL (1886-1979)
Une carrière à deux facettes condamne toujours plus ou moins l'un des aspects du talent de l'artiste : rares sont les compositeurs chefs d'orchestre qui ont réussi avec autant de bonheur dans les deux branches de leurs activités. Paul Paray semble pourtant faire exception à cette règle. Né au Tréport le 24 mai 1886, il est élevé dans une famille où les arts occupent une place privilégiée. Il s'initie très tôt à la percussion, puis étudie à la maîtrise de la cathédrale de Rouen avant qu'Henri Dallier ne « l'enlève » à ses parents pour l'emmener à Paris. Il entre au Conservatoire en 1904 ; il y travaille les écritures et la composition avec Xavier Leroux et Georges Caussade. En 1911, il remporte le premier grand prix de Rome pour sa cantateYanitza ; son temps rituel à la villa Médicis sitôt accompli, il reçoit son ordre de mobilisation. Fait prisonnier dans les premiers mois de la guerre, il passera quatre années au camp de Darmstadt. Sa carrière ne débute effectivement qu'après les hostilités, lorsque quelques musiciens amis le présentent à Camille Chevillard. Il est appelé à le remplacer au pied levé à la tête de l'orchestre des Concerts Lamoureux et, dès 1921, est nommé chef adjoint de cette formation. Deux ans plus tard, il prend la succession de Chevillard et reste pendant cinq ans président-chef d'orchestre des Concerts Lamoureux.
Monte-Carlo l'appelle une première fois : de 1928 à 1932, il est directeur de la musique au Casino. L'été, il occupe des fonctions analogues à Vichy (1931-1932). Puis, les Concerts Colonne font appel à lui pour remplacer Gabriel Pierné (1932-1940). À la même époque, il est chef d'orchestre à l'Opéra de Paris. Pendant l'Occupation, il refuse de diriger à Paris et se fixe à Monte-Carlo, d'où il ne revient qu'en 1944 pour reprendre ses fonctions aux Concerts Colonne (1944-1955). Mais l'Amérique le sollicite : la ville de Detroit lui demande de réorganiser son orchestre symphonique ; il y restera douze ans, de 1951 à 1963, ne faisant que de brèves apparitions en France. À son retour en Europe, il se consacre à une carrière de chef invité qui lui permet de conduire les plus grands orchestres du monde ; en outre, il dirigera régulièrement jusqu'à ses derniers jours l'Orchestre national, l'Orchestre de Paris, l'Orchestre de Monte-Carlo et l'Orchestre philharmonique d'Israël. Il meurt à Monte-Carlo le 10 octobre 1979.
La direction de Paul Paray était une synthèse de la tradition française du xixe siècle et d'un certain classicisme retrouvé entre les deux guerres : rigueur et sentiment, rythmique et mélodie. Le premier élément, technique, servait à affirmer le second. Cette démarche fit particulièrement merveille dans la musique française, dont il avait su conserver une tradition vivante : le dynamisme était l'une des qualités premières de Paul Paray et il refusait aux années le droit de détériorer ce que son expérience ou ses rencontres avec les compositeurs lui avaient appris. Égal à lui-même, il ne laissait pas vieillir ses interprétations et il a représenté, jusqu'à la fin de sa vie, le reflet vivant d'une génération d'interprètes formée dans l'ombre des grands maîtres de la musique française.
L'œuvre de Paul Paray compositeur a souffert de la notoriété du chef d'orchestre. Ses premières pages remontent à l'époque de ses études au Conservatoire : une sonate pour violon et piano (1908) qui traduit l'amour qu'il porte à Gabriel Fauré, une Fantaisie pour piano et orchestre (1909), dans laquelle sa véritable personnalité commence à se dégager, un quatuor à cordes (1919) plus souvent joué sous le titre de Symphonie d'archets, une sonate pour violoncelle et piano (1920), de nombreuses mélodies dont[...]
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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