Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

VIDAL DE LA BLACHE PAUL (1845-1918)

Considéré comme le « père fondateur » de l'école française de géographie, Paul Vidal de La Blache a publié des ouvrages – Tableau de la géographie de la France (1903, réédité jusqu'en 1994), l'Atlas d'histoire et de géographie (1894) – qui restent des marqueurs de l'histoire de la discipline. Véritable entrepreneur scientifique, il a multiplié les fronts pour diffuser la vision renouvelée de la géographie qu'il portait. Les Annales de géographie en 1891, l'établissement du plan pour une nouvelle Géographie universelle (dont son disciple Lucien Gallois suivit la publication de 1925 à 1941) ou encore la célèbre collection de cartes murales Vidal-Lablache ont installé dans le paysage scientifique, de l'école à l'université, la figure de celui qui resta une référence obligée de la géographie française jusque dans les années 1960.

Paul Vidal de La Blache est né le 22 janvier 1845 à Pézenas (Hérault). À l'École normale supérieure (ENS) entre 1863 et 1866, il se forme à la discipline historique (agrégation d'histoire-géographie en 1866), puis son séjour à l'École française d'Athènes (1867-1869) lui ouvre les larges horizons de l'espace méditerranéen et du Proche-Orient. Tandis qu'il prépare sa thèse sur Hérode Atticus, qu'il voyage et tient ses carnets, la lecture des géographes allemands Alexander von Humboldt (1769-1859) et Friedrich Ratzel (1844-1904) l'engage intellectuellement vers des questionnements plus contemporains, ceux de la compréhension des diversités d'occupation des lieux. Sa conversion disciplinaire, qu'il pratiqua en géographe de terrain, écrivain des lieux, sensible aux temps longs comme aux mutations plus récentes, se traduit dès ses premiers enseignements (Nancy, 1872).

Enseignant à l’ENS de la rue d'Ulm (1877) puis professeur à la Sorbonne (1898-1909), il met en œuvre un vaste et ambitieux projet, en fait un véritable programme de recherche : fonder une géographie qui ne soit plus l'œil ancillaire de l'histoire, mais bien une discipline autonome dont l'objectif est de rendre intelligibles les variétés de l'œkoumène. Le point central du questionnement vidalien est de comprendre les relations entre les hommes et les milieux, non pas sur un principe déterministe à l'instar de l'Anthropogeographie de Ratzel, mais au contraire en décryptant les variétés d'agencement matériel (habitat, alimentation, agriculture et élevage, organisation urbaine, circulation) au regard du principe de contingence historique et culturelle. C'est ce que l’historien Lucien Febvre (La Terre et l'évolution humaine, 1922) a formalisé sous le terme de « possibilisme ».

Le paysage (ou plutôt la « physionomie » pour reprendre son terme) constitue le médium par lequel peuvent être saisies ces relations et c’est lui qui permet d'identifier, de façon légitime et cohérente, des périmètres régionaux. Milieux et genres de vie, paysage et région, ces notions structurent les analyses géographiques jusque dans les années 1960.

Ce projet scientifique – produire une géographie générale des relations hommes-milieux – s'est, au cours de sa mise en œuvre, rapidement découplé. Il était en effet attendu que les études régionales – dont les premières thèses (Albert Demangeon sur la Picardie en 1905, Jules Sion sur la Normandie orientale en 1908, Raoul Blanchard sur la Flandre en 1906) constituent le soubassement – permettent, par capitalisation comparative, d'en alimenter l'édification. Rapidement pourtant, cette moisson régionale a rendu évidentes quelques pierres d'achoppement : conditions méthodologiques de la comparaison restées implicites et originalité du traitement régional de chaque thèse. Leur médiocre comparabilité a ainsi fragilisé le projet d'une[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeure des Universités, université Lumière-Lyon-II

Classification

Autres références

  • DÉTERMINISME, géographie

    • Écrit par et
    • 1 562 mots
    L'autre attitude est représentée par la pensée deVidal de La Blache lui-même, et de quelques-uns seulement de ses disciples, comme Maximilien Sorre (1880-1962). Pour eux, il s'agit moins de déceler les influences de la nature que d'étudier les rapports complexes, dynamiques, fragiles, contingents...
  • GÉOGRAPHIE

    • Écrit par , , , , et
    • 20 451 mots
    • 2 médias
    Historien de formation, Vidal de La Blache (1845-1918) « devint » géographe alors qu'il occupait à Nancy son premier poste dans l'enseignement supérieur. Son œuvre géographique commença dans les années 1890. Il a véritablement fondé l'École géographique française, jetant les bases de la géographie humaine...
  • MILIEU, géographie

    • Écrit par et
    • 881 mots

    L'usage en géographie du terme milieu, dont l'étymologie n'aide guère à préciser le sens, est banalisé au sens des « conditions extérieures » qui détermineraient les relations entre l'homme, la société, la nature. Bien souvent, seule l'association d'un adjectif qualificatif autorise sa définition...

  • POSSIBILISME, géographie

    • Écrit par et
    • 1 530 mots

    Le possibilisme est un terme utilisé pour désigner l'approche des relations entre la société et la nature, proposée par Paul Vidal de La Blache (1845-1918), fondateur de ce qu'il est convenu d'appeler l'École française de géographie, qui a joui d'une grande renommée internationale...