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GODDARD PAULETTE (1911-1990)

Le cinéma – américain principalement – a toujours employé deux types, assez nettement distincts, d' acteurs et d'actrices, que l'on peut ainsi caractériser : d'une part, les stars, qui sont des mythes intouchables, se situant très haut au-dessus de la norme commune ; de l'autre, les comédiens, à échelle humaine, au talent mesurable, et s'impliquant avec plus ou moins d'efficacité dans la création filmique. Entre les deux statuts, il y a une différence, non de degré, mais de nature, malaisée à expliciter. Dans la première catégorie, on rangera par exemple Greta Garbo, Rita Hayworth, Rudolph Valentino, James Dean ; dans la seconde, Mary Pickford, Ida Lupino, Henry Fonda, Paul Newman. Et Paulette Goddard.

De son vrai nom Pauline Marion Levy, elle était née à Long Island (New York) le 3 juin 1911. À quinze ans, elle réussit à se faire engager comme danseuse de revue dans la troupe de Florenz Ziegfeld, le roi du music-hall américain. Hollywood lui fait signe, et la fait débuter en 1929 comme partenaire de... Laurel et Hardy. En blonde « Goldwyn Girl », on la trouve ensuite dans des comédies sophistiquées, où elle croise parfois le comique Eddie Cantor (Le Roi de l'arène, 1932). Un génial Pygmalion va la sortir de cette routine et la rendre à sa vraie nature, celle d'une gamine en haillons, pressée de mordre dans la pulpe de la vie : c'est Charles Chaplin qui, après son triomphe dans Les Temps modernes (1935), en fait son épouse (jusqu'en 1942) et sa muse que l'on retrouve inchangée, cinq ans plus tard, dans Le Dictateur. Sa grâce juvénile et son allure primesautière lui valent d'autres engagements, presque aussi glorieux, qu'elle assume avec un égal brio : elle sera ainsi « la renarde », au franc parler et à l'ironie mordante, dans Femmes, de George Cukor (1939) ; l'ardente métisse des Tuniques écarlates, de Cecil B. De Mille (1940) ; du même, la pilleuse d'épaves des Naufrageurs des mers du Sud (1942) et la belle esclave des Conquérants d'un nouveau monde (1946). On la voit aussi en femme-soldat plongée dans l'enfer de Corregidor (Les Anges de miséricorde, 1947), ou encore en « fille de la forêt », en « duchesse des bas-fonds », avant qu'elle ne fasse partie des « mille et une filles de Bagdad » – pour reprendre quelques-uns des titres de films qu'elle tourna pour la Paramount dans les années 1940. Mais ce qui aurait pu – et dû – être le rôle de sa vie lui échappe, pour de stupides raisons de morale publique : pressentie pour incarner la jeune sudiste passionnée d'Autant en emporte le vent, Paulette Goddard se voit ravir la vedette par une débutante, l'actrice Vivien Leigh. À en juger par les essais qu'on lui fit faire, et qui ont été heureusement conservés, on peut estimer qu'elle eût été une Scarlett idéale. Sa dernière grande chance, elle la doit à Jean Renoir, qui en fait la pimpante héroïne de son adaptation américaine du Journal d'une femme de chambre, d'après Octave Mirbeau (1946) : l'aura érotique de l'actrice, miraculeusement préservée des artifices du vedettariat, trouve ici, sans doute, sa plus pure et éloquente expression. Une nouvelle fois, elle a épousé son partenaire dans le film, Burgess Meredith – après qu'on lui eut prêté une série de liaisons mouvementées avec des personnalités aussi diverses que Clark Gable, Pedro Armendariz, George Gershwin ou Aldous Huxley. Son équilibre sentimental, elle ne le trouvera réellement qu'en 1958, auprès de son quatrième mari, l'écrivain Erich Maria Remarque. Entre-temps, sa carrière a décliné, jusqu'à lui valoir des prestations insipides dans de méchants mélodrames signés Reginald LeBorg ou Terence Fisher. Ses dernières apparitions, à peine créditées, seront dans un film italien de Francesco Maselli (1964)[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur émérite à l'université de Paris-I, historien du cinéma

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