FREIRE PAULO (1921-1997)

Paulo Reglus Neves Freire est né le 19 septembre 1921 à Recife, capitale du Pernambouc, dans une région – le Nordeste – parmi les plus pauvres du Brésil. Il fut très tôt sensibilisé aux difficiles conditions de vie des classes populaires. Il travailla tout d'abord au Sesi (Service social de l'industrie) ainsi qu'au service du développement culturel de l'université de Recife. Il fut tout ce que peut et doit être un éducateur, de professeur d'école à créateur d'idées et de méthodes. Il exprima pour la première fois sa philosophie en matière d'éducation dans sa thèse universitaire, en 1958, et par la suite dans son cours d'histoire et de philosophie de l'éducation qu'il assura à l'université de Recife avant de la mettre en pratique dans ses premières expériences d'alphabétisation, notamment à Angicos, dans l'État du Rio Grande do Norte, en 1963.

C'est ainsi qu'il se fit connaître et que l'on parla bientôt de « méthode Paulo Freire ». En schématisant, on peut dire que cette méthode consiste en trois moments d'apprentissage agencés dialectiquement sur un mode interdisciplinaire : l'investigation thématique, par laquelle élève et professeur cherchent, dans l'univers de l'élève et de la société où il vit, les mots et les thèmes centraux de son existence ; la thématisation, au cours de laquelle les thèmes sont décodés et recodés pour faire apparaître leur signification sociale et prendre ainsi conscience du monde vécu ; enfin la problématisation, où professeur et élève cherchent ensemble à dépasser une vision magique par une vision critique, point de départ pour la transformation de la réalité vécue.

Pour avoir eu le courage de mettre en pratique un authentique travail d'éducation qui assimile l'alphabétisation à un processus de prise de conscience des masses opprimées et fait de l'écriture une arme de libération, Paulo Freire eut l'honneur de faire partie des premiers Brésiliens exilés après le coup d'État militaire de 1964. La méthode qu'il avait élaborée avait été largement utilisée lors des campagnes d'alphabétisation lancées sous la présidence de João Goulart, et de fait intimement liée aussi à la théologie de la libération dans le développement des « communautés de base ». Paulo Freire fut donc accusé de subvertir l'ordre établi et incarcéré durant soixante-douze jours avant d'être fermement invité à quitter le pays. Il s'exila au Chili, où, dans un climat social et politique favorable à ses idées, il mena pendant cinq ans des travaux dans le cadre des programmes d'éducation pour adultes de l'Institut chilien pour la réforme agraire (I.C.I.R.A.). C'est à cette époque qu'il écrivit son œuvre principale, Pedagogia do oprimido, publiée en 1968.

Pour Paulo Freire, la parole est le moyen qui permet à l'homme d'accéder à la condition de sujet pleinement autonome. C'est par une communication authentique établie dans le dialogue que l'individu se transforme en créateur et acteur de sa propre histoire. Le processus éducatif n'est jamais une entreprise neutre, il se constitue en action culturelle soit pour la liberté, soit pour la domination. Dans ce dernier cas il renvoie à une conception « bancaire » de l'éducation – procès éducatif rigide, autoritaire et antidialogique où le rôle de l'enseignant se limite à transmettre son savoir aux élèves dociles et passifs. Dans le premier cas, tout au contraire, il s'agit d'une action éducative qui problématise la connaissance, la rend par là plus flexible, plus participative, en fait le fruit d'un dialogue entre l'éducateur et l'élève, tous deux en quête de savoir.

En 1969, Paulo Freire enseigne à l'université Harvard, en étroite[...]