POTTER PAULUS (1625-1654)
Fils et élève d'un peintre d'histoire rembranesque déjà fort estimable qui s'établit à Amsterdam en 1631, Pieter Potter, Paulus reste dans l'histoire des arts comme un peintre étonnamment doué, très précoce, mais ayant pu à peine donner toute sa mesure, puisqu'il meurt très jeune, à l'âge de vingt-neuf ans. En 1646, il est signalé à Leyde et entre alors dans la Gilde des peintres. En 1649, on le trouve à la Gilde de La Haye ; il s'y marie en 1650 ; puis il passe à Amsterdam en 1652, peut-être à la suggestion du docteur Tulp — il fait un peu plus tard le portrait de son fils —, et reste dans cette ville jusqu'à sa mort. Influencé également en ses débuts par le peintre d'histoire Moeyaert (en revanche, son passage dans l'atelier de J. de Wet à Haarlem en 1642-1643 reste problématique), Potter se spécialisa dans la peinture d'animaux, peut-être à partir de suggestions utrechtoises comme celles de Jacob Cuyp et du vieux Bloemaert qui ont popularisé ces thèmes de peintures de bestiaux puissamment réalistes et fermement dessinés. A joué ici un rôle non moins patent la tradition de la peinture d'histoire prérembranesque à Amsterdam, depuis Lastman et dont Pieter Potter et Moeyaert furent d'efficaces relais. Avec Paulus Potter comme avec Dujardin dont il est si proche (il est difficile de dire avec certitude lequel a influencé l'autre !) plus encore qu'avec Berchem ou Albert Cuyp, triomphe le portrait d'animal, présentation fine et soignée de bestiaux attentivement dessinés et silhouettés dans un cadre de paysage très délicat mais vide de toute présence humaine, qui va bien au-delà du simple étoffage d'un paysage, d'une pure figuration subordonnée à la nature environnante. Un réalisme plein d'élégance et de nerveuse justesse, une lumière délicatement précise et froide — ainsi dans le raffiné et merveilleux Cheval pie du Louvre —, un sens étonnant du paysage qui reste trop méconnu — voir l'étonnant arrière-plan du Taureau du Mauritshuis, le fameux chef-d'œuvre de l'artiste, daté de 1647 — et qui nuance ce qu'il pourrait y avoir de trop virtuose et de trop exact dans l'insistant détail de ses animaux, une sorte d'italianisme pastoral parfaitement digéré et intégré dans le monde réaliste néerlandais, une poésie de la simplicité servie par une parfaite habileté picturale, telles sont les grandes qualités qui distinguent Potter, arrachent ses sujets à la banalité du genre et lui permirent, en une carrière de dix ans à peine, de laisser un œuvre à la fois considérable et réputé qui font de lui l'un des noms les plus populaires — et à bon droit — de la peinture néerlandaise du xviie siècle. Surprenantes, presque provocantes sont ses immenses et presque maladroites toiles de La Haye (Le Taureau) ou de la collection Six à Amsterdam (Portrait équestre du Dr Tulp, 1653). À l'image même de son dessin juste et pur et de sa peinture fine et précise, ses gravures (au nombre d'une vingtaine) restent, elles aussi, des merveilles d'attention et d'exactitude modeste et attachante. Le ciel de ses tableaux est souvent gris argent, pommelé de nuages, ses animaux se tiennent immobiles et posent harmonieusement sous l'éclairage d'une fine lumière dorée (dans cet esprit, le chef-d'œuvre est La Vache qui se mire datée 1648, Mauritshuis, La Haye). Si l'inspiration n'est ni très élevée ni très originale, il faut reconnaître que la qualité de l'exécution est incomparable. Aussi bien sa formule rencontra-t-elle un vif succès, et Potter eut de nombreux imitateurs : sans parler de Dujardin (de trois ans son aîné), il faut citer au moins Klomp, Jean Le Ducq, Murant, Adriaen van de Velde ; le genre fut repris aux xviiie et xixe siècles par d'innombrables suiveurs[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jacques FOUCART : conservateur des Musées nationaux, service d'études et de documentation, département des Peintures, musée du Louvre
Classification