PAUSANIAS, écrivain voyageur (IIe s.)
Aucun auteur antique ne mentionne l'écrivain grec Pausanias, et il ne parle guère de lui-même : de son livre unique, la Périégèse de la Grèce, c'est à peine si l'on peut tirer quelques notions de sa personne. Né au début du iie siècle après J.-C. en Asie Mineure, peut-être à Magnésie du Sipyle, Pausanias a dû faire ses études dans l'une des grandes villes grecques de la côte égéenne, prospères conservatoires de la culture grecque pendant la Paix romaine. Sa formation classique est très solide : il connaît les grands textes, alors déjà vieux de huit cents ou sept cents ans, mais aussi toute une littérature érudite plus récente de commentaires et de manuels qui nous échappe presque complètement. Ce qui l'intéresse avant tout, ce sont les « antiquités religieuses » : les statues et les bâtiments sacrés, les rites anciens, la mythologie... Aussi son unique livre – mais n'en a-t-il pas écrit d'autres qui seraient perdus ? – est-il hybride ; il participe certes d'un genre pratiqué depuis l'époque hellénistique, la périégèse, c'est-à-dire le guide de voyage, mais c'est un guide surtout historique et plus encore mythologique, aux digressions substantielles : elles occupent la moitié de son texte. Malgré ses raccourcis et sa désinvolture relative vis-à-vis de la réalité topographique, ce voyageur curieux de croyances est très précieux pour les Modernes : c'est son texte à la main que les archéologues ont fouillé Olympie et Delphes, identifiant grâce à lui les ruines des monuments qu'ils retrouvaient. Ainsi, par un effet d'écho dont on s'efforce de limiter la déformation, on écrit aujourd'hui des commentaires archéologiques de son œuvre, qui est elle-même un commentaire historique des monuments qu'il voyait – une œuvre que le hasard nous a transmise, grâce au seul exemplaire conservé à Florence au début du xve siècle – exemplaire entre-temps perdu, mais dont quelques copies avaient été faites...
La Périégèse de la Grèce, écrite entre 150 et 175 après J.-C., est composée de dix livres consacrés chacun à une région : l'Attique (I) ; la Corinthie, avec l'Argolide (II) ; la Laconie (III) ; la Messénie (IV) ; l'Élide, en deux livres (V et VI) ; l'Achaïe (VII) ; l'Arcadie (VIII) ; la Béotie (IX) ; la Phocide, avec la Locride (X). Ce guide ne concerne donc que la Grèce des cités continentales, à l'exclusion de ses régions périphériques : au nord, la Thessalie et la Macédoine ; à l'ouest, l'Acarnanie et l'Épire. Aucune île de la mer Égée, sauf celles du golfe Saronique, n'est traitée, non plus que les îles ioniennes ; peut-être cette Grèce insulaire devait-elle faire l'objet d'un pendant que Pausanias n'a pas eu le loisir de réaliser, les voyages y étant plus aléatoires – à moins que ce monde insulaire en très net déclin à l'époque impériale n'ait guère attiré les touristes cultivés de son époque : Délos est à peine encore habitée et il est très douteux qu'il eût pu y trouver l'un de ces guides locaux qui montraient aux étrangers de passage les curiosités d'une ville ou d'un grand sanctuaire.
À dix-neuf reprises, Pausanias mentionne les propos d'un tel cicerone, qu'il soumet souvent à critique, confrontant la tradition orale locale avec son savoir de lettré ou rapportant ce qu'on dit sans le prendre à son compte. Car Pausanias raisonne et trie parmi les opinions et les traditions, de même qu'il choisit parmi ce qu'il voit et ne traite, sauf très rares exceptions qu'il indique, que de ce qu'il a vu lui-même. Aussi son guide, écrit à la première personne, a-t-il la valeur d'un témoignage oculaire. Dans les grands sanctuaires – l'Acropole d'Athènes[...]
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Écrit par
- Bernard HOLTZMANN : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
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