PEAU ET ULTRAVIOLET
Les rayons ultraviolets (UVA pour les longueurs d'onde comprises entre 320 et 400 nanomètres, UVB pour celles comprises entre 280 et 320 nm) sont utilisés en médecine depuis une centaine d'années, que ce soit par une exposition naturelle au soleil (héliothérapie), indiquée pendant une partie du xxe siècle pour lutter contre le rachitisme, ou au moyen d'UV artificiels. Dès la fin du xixe siècle, Neils Finzen mit au point une lampe à UVB pour traiter la tuberculose cutanée. Il reçut le prix Nobel, en 1903, pour avoir développé le concept de photothérapie. Depuis longtemps, ces traitements sont tombés en désuétude : l'arrivée des antibiotiques a mis fin à leur utilisation pour soigner la tuberculose cutanée et l'enrichissement des apports alimentaires en vitamine D a rendu le rachitisme exceptionnel. L' utilisation thérapeutique des UV est aujourd'hui essentiellement cantonnée à la dermatologie, notamment pour traiter le psoriasis. Mais leur emploi est limité aux cas les plus sévères, en raison du risque de cancer de la peau, mélanomes en particulier, lié aux UV et à la technique utilisée (PUVAthérapie). En revanche, la fréquentation des cabines à UV à des fins esthétiques, pour obtenir un bronzage artificiel, n'a cessé de se développer depuis les années 1980. Selon un rapport de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (D.G.C.C.R.F.), en 2010 il existait environ 18 000 appareils UV en France. Or le risque carcinogène lié aux UV est aujourd'hui très bien documenté, non seulement pour les UVB, mais aussi pour les UVA, longtemps jugés inoffensifs. Malheureusement, les messages de prévention semblent mal perçus par le public. L'enquête Baromètre cancer menée en 2010 par l'Institut national d'éducation pour la santé (Inpes) et publiée dernièrement dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH, no 18-19, 22 mai 2012) révèle que 13,4 p. 100 des Français se sont exposés au moins une fois à des UV artificiels. Si 3,5 p. 100 seulement de l'ensemble des 15-75 ans y avaient eu recours au cours des douze derniers mois, la proportion atteignait 9,9 p. 100 chez les 20-25 ans et 13,7 p. 100 chez les jeunes femmes de cette tranche d'âge. Parmi ces personnes qui avaient utilisés des UV artificiels au cours des douze derniers mois, un tiers l'avait fait plus de dix fois. Enfin, bien que les cabines à UV soient interdites aux mineurs, 3,5 p. 100 des moins de 18 ans ont déclaré y être déjà allés.
Deux analyses récentes, coordonnées par l'International Prevention Research Institute (Lyon), donnent des estimations chiffrées du nombre de mélanomes qui pourraient être liés à ces pratiques, en France et en Europe. Selon la première, publiée dans le même numéro du BEH, la fréquentation des cabines à UV en France entraînerait entre 91 et 350 nouveaux cas annuels de mélanomes, dont de 19 à 76 mortels. Ces chiffres doivent être comparés aux 9 780 nouveaux cas de mélanomes et 1 620 décès recensés en France en 2011. L'étude européenne, publiée dans le British Medical Journal (24 juillet 2012), indique qu'en 2008 près de 3 500 cas de mélanomes sont survenus dans la Communauté européenne à la suite de l'utilisation des cabines à UV. L'estimation du risque associé aux UV artificiels a été fondée sur l'analyse de 27 études, indiquant une probabilité de mélanome augmentée de 20 p. 100 en cas d'exposition unique ou répétée à ces UV et de 87 p. 100 lorsque la première exposition avait eu lieu avant 35 ans. Point important, l'augmentation du risque n'était pas due à des bains de soleil plus fréquents ou à une peau plus claire, puisqu'elle était également présente (+ 29 p. 100) dans les dix-huit études qui ont pris en compte l'exposition des personnes aux UV naturels et leur sensibilité cutanée au soleil.[...]
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Écrit par
- Chantal GUÉNIOT : docteur en médecine
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Média