PÉCHÉ ORIGINEL
Le terme de péché originel a été créé par saint Augustin, probablement en 397, pour désigner l'état de péché dans lequel se trouve tout homme du fait de son origine à partir d'une race pécheresse ; et, ultérieurement, il a été étendu au péché d'Adam, premier père de l'humanité. La doctrine du péché originel, dont le germe est contenu dans les Écritures juives et chrétiennes, puis dans les œuvres des anciens écrivains chrétiens, a provoqué de siècle en siècle d'innombrables spéculations. Il importe de noter d'abord qu'il s'agit d'un cas particulier des doctrines philosophiques ou religieuses destinées à expliquer l'origine du mal. Dans d'autres systèmes de pensée, qu'il s'agisse de mythes, comme chez les primitifs, ou de philosophies élaborées, le mal est antérieur à l'homme ; il vient d'un principe mauvais s'opposant à un dieu bon, d'une faute commise par un dieu et perturbant l'œuvre des autres dieux, ou de l'intervention d'anges pécheurs enseignant aux hommes les arts pervers de la civilisation, ou encore de la chute des âmes,ayant péché avant leur existence dans le monde et étant « tombées » dans le corps par l'effet d'un châtiment ou par libre choix. Dans la pensée existentialiste, l'absence de transcendance fonde la tragédie de l'existence. Dans les systèmes idéalistes allemands, le mal est un moment dialectique dans le développement du bien.
Se distinguant de ces doctrines, la doctrine biblique et chrétienne affirme que le monde et l'homme ont été créés bons, bien que limités, qu'en particulier la vie sexuelle et le développement culturel sont choses bonnes et ne résultent nullement d'un défaut ou d'un péché antérieurs à l'homme. S'il y a du mal dans l'humanité, c'est par suite du libre péché de l'homme. Le péché remonte aux origines de l'humanité. Les générations actuelles pâtissent des conséquences du passé par diverses souffrances et aussi (tel est le point spécifique de la doctrine du péché originel) par une certaine solidarité dans le péché. Cet état présent n'exclut pas toute possibilité de bien dans l'humanité. Il n'exclut pas davantage l'éventualité que les nouveaux venus à l'existence pèchent à leur tour, ajoutant ainsi au mal déjà existant. Simplement la vie religieuse et morale de chacun, avec ses libres fautes toujours possibles, est prévenue par un péché déjà présent au plus profond d'elle-même, avant même de s'éveiller à un exercice personnel.
Dans cette perspective biblique et chrétienne, l'objet principal de la doctrine du péché originel tend à se déplacer de la réponse théorique au problème du mal vers le diagnostic de ce mélange de bien et de mal qu'est la conscience individuelle. Cela doit finalement conduire à mettre l'accent sur le remède préparé au péché originel par un Dieu qui a créé l'homme bon et veut aboutir à ses fins malgré les déficiences de sa créature.
Les sources bibliques et la théologie chrétienne
Le récit de la Genèse et saint Paul
La doctrine du péché originel ne s'est pas développée dans le judaïsme avec la même richesse que dans le christianisme. Aux abords de l'ère chrétienne, quelques écrits juifs non canoniques font remonter à Adam les peines qui pèsent sur l'humanité ; la transmission d'un état de péché du premier père à sa race est chose moins claire.
Tel qu'il est rapporté par le livre de la Genèse, le récit de la chute et du châtiment du premier couple humain, comme les mythes des primitifs, n'a pas pour fonction principale de rapporter un fait individuel ancien, réel ou imaginé, mais bien plutôt d'exprimer une condition humaine générale. Il le fait en incluant un trait familier[...]
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Écrit par
- André-Marie DUBARLE : ancien professeur d'exégèse biblique au couvent dominicain du Saulchoir
- André DUMAS
: pasteur, président du journal
Réforme
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