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PÉCHÉ, religion

Problèmes actuels

La conception chrétienne du péché qui vient d'être exposée ne peut manquer de poser un certain nombre de questions dont certaines sont rendues plus aiguës par les mutations actuelles de l'expérience et de la connaissance que les hommes ont d'eux-mêmes.

Les plus radicales sont évidemment celles qui mettent en cause l'existence d'une alliance entre Dieu et les hommes, et plus fondamentalement encore l'existence d'un dieu semblable à celui que se représentent les chrétiens ou même celle d'un principe divin quelconque. Si radicales que soient ces questions, il n'y a pas à en parler ici, car elles évacuent la réalité même du péché, et il n'y est plus question que de l'expérience du mal, de l'impureté, de la transgression de la loi ou des impératifs de la conscience, de la faute morale, etc., toutes expériences important aussi bien à l'athéisme qu'à la foi religieuse, mais dont le péché est spécifiquement différent.

En revanche, il sera utile d'aborder certaines questions concernant le péché lui-même, car la représentation qu'on s'en fait joue un rôle capital dans la conception que l'on a de Dieu. De plus, s'il s'avérait que, quoi qu'il en soit des affirmations théoriques ou idéologiques du christianisme sur le péché, la pratique concrète du christianisme mettait en œuvre une conception assez différente de la théorie ou de l'idéologie, il conviendrait de se demander laquelle est la véritable conception chrétienne du péché et ce que recouvrirait ce décalage entre la théorie et la praxis.

Péché et sentiments de culpabilité

Un des éléments affectant le plus profondément la représentation du péché est certainement la connaissance, acquise grâce aux différentes disciplines de la psychologie, et particulièrement grâce à la psychanalyse, des sentiments de culpabilité. Freud a constaté leur très grande importance et les a considérés comme « la perception qui, dans le moi, correspond à la critique exercée par le sur-moi ». C'est dire que, contrairement à une interprétation erronée et trop répandue de la psychanalyse, les sentiments de culpabilité ne sont pas de soi pathologiques ou pathogènes, puisqu'ils sont le fait d'une relation normale entre deux instances de la personnalité, lesquelles sont elles-mêmes bien loin d'être des accidents du développement du sujet, mais au contraire des instances constituantes du sujet humain. On ne peut donc pas s'autoriser de la psychanalyse pour penser que l'homme pourrait ou devrait éviter l'expérience de la culpabilité. En revanche, la psychanalyse permet de constater que ces sentiments de culpabilité peuvent effectivement s'organiser de telle sorte que le sujet (ou plus généralement la culture) élabore un univers fantasmatique lui permettant de déplacer, de déformer ou de dénier tout ce qui concernerait sa culpabilité ; ainsi l'on aboutit souvent à un divorce presque radical entre le sentiment de culpabilité et la réalité de la faute, le sujet ayant alternativement ou simultanément tendance à considérer qu'il y a faute dès que la culpabilité est éprouvée mais aussi que, puisque c'est un sentiment de culpabilité qui est à l'œuvre, cela n'a plus rien à voir avec l'ordre de la faute. De même la psychanalyse permet-elle de constater le rôle capital du complexe d' Œdipe dans l'élaboration des sentiments de culpabilité et d'expliquer ainsi qu'ils aient le plus souvent rapport à la vie des pulsions : sexualité et agressivité, et plus radicalement au désir d'être soi-même en s'emparant de l'objet qui accomplirait la totalité du désir et en occupant, quitte à l'en chasser, la place de celui qu'on se représente comme jouissant effectivement de la [...]

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Écrit par

  • : dominicain, théologien, ancien doyen de la faculté de théologie du Saulchoir

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