PÉDAGOGIE INSTITUTIONNELLE
La pédagogie institutionnelle date de 1958, du moins son « appellation contrôlée », par les frères Jean et Fernand Oury, au congrès du mouvement Freinet, l'un des principaux mouvements d'éducation nouvelle, qui se tint cette année-là à Paris. Jean Oury se rapporte alors explicitement à la psychothérapie institutionnelle (1952) et à ce mouvement historique de pensée qui vise à resituer l'être humain au cœur des institutions qui fondent et règlent la société (1936).
Avec la pédagogie institutionnelle, il s'agit de considérer que les échecs et les réussites de chacun(e) d'entre nous sont construits à trois niveaux d'identité : l'histoire familiale et sociale ; les situations « institutionnelles », bien sûr familiales, mais aussi scolaires et professionnelles ; la personnalité propre de l'élève, sa psychologie et ses comportements. Cependant, ce sont les situations institutionnelles qui concentrent la problématique psychique et sociale quotidienne de l'être humain, d'où l'idée simple et structurante de considérer les institutions elles-mêmes comme des lieux psychiques. Il suffit alors de les reprendre, de les « rectifier » (Célestin Freinet), de les « aseptiser » (Jean Oury), pour qu'elles ne nuisent pas davantage au développement personnel, et qu'elles autorisent l'émergence et la parole de sujets.
Fernand Oury définit les institutions comme « l'ensemble des règles qui permet de définir ce qui se fait et ne se fait pas en tel lieu, à tel moment ; ce que nous appelons les lois de la classe, en sont une autre ». En ce sens, souligne-t-il, la « simple règle qui permet d'utiliser le savon sans se quereller est déjà une institution ». La pédagogie et la psychothérapie institutionnelles ont la détermination de faire de nos institutions des lieux de vie. Chacune de ces institutions conserve toute sa spécificité (éduquer, enseigner, former, produire ou servir), mais incarne le contexte réel et ordinaire des professionnels et des usagers. Il est certaiin qu'enseigner sans tenir compte de l'organisation du travail en groupe, du groupe-classe, des pédagogies mises en œuvre, des relations et du rapport subjectif des élèves au savoir peut empêcher d'apprendre.
Fernand Oury, instituteur sans formation normalienne, se retrouve d'un coup, après la Seconde Guerre mondiale, enseignant dans la banlieue parisienne, où il est né en 1920. Dans l'effervescence de la Libération, il va se former sur le tas, en se servant de ce qu'il connaît, les techniques d'expression, de travail en groupe, de dynamique des groupes, connues par les colonies de vacances et validées par les réussites de la psychothérapie institutionnelle et de la psychanalyse. L'école, la classe, sont des institutions comme les autres, où il est nécessaire de rester dans la spécificité, nous le disions, mais en n'oubliant pas qu'il y a là un groupe, voire des micro-groupes humains, et que la conscience et la raison n'épargnent pas les éruptions de l'inconscient. Apprendre n'est en rien donné. Il ne suffit pas d'enseigner. Quelle reconnaissance soutient l'élève « mal cultivé » dans l'école des maîtres ? Qui sait où se nichent motivations et désir ? Même à l'école, nous restons en société.
Des techniques, les groupes, l'inconscient ! C'est ce que les « groupes d'éducation thérapeutiques » des années 1960, porteurs des livres fondateurs, nommaient le « trépied » des compétences nécessaires. On mesure alors la complexité du savoir aujourd'hui requis pour enseigner ou éduquer, car la pédagogie institutionnelle déborde l'école et la classe, et s'est installée dans le travail social et les institutions de remédiations. Sa force de cadrage et d'organisation en font une pédagogie de contention de la violence autant[...]
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Écrit par
- Jacques PAIN : professeur des Universités en sciences de l'éducation à l'université de Paris-X-Nanterre
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Média
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