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PÉDAGOGIE Les approches contemporaines

L'un des traits marquants de la pensée pédagogique dans le dernier quart du xxe siècle tient, sans nul doute, à un constat qui s'est généralisé à partir du début des années 1960 au point de devenir aujourd'hui une banalité : le « pédagogique » est plus totalisé qu'il ne totalise. Cette formule prend un sens au moins sur deux plans : celui de la connaissance et celui de l'action.

Sur le plan de la connaissance, la réflexion sur l'éducation ne rend pas raison, en dernier ressort, de ce qui se fabrique dans le lieu éducatif. L'éducation est d'abord une pratique sociale parmi d'autres, justiciable d'une analyse qui tente de les prendre comme un tout significatif. Ainsi le « ras-le-bol » lycéen des années 1970, comme la morosité des années 1980 et 1990, ne s'explique que superficiellement par la désuétude des programmes et des manières d'enseigner. C'est au sein d'une nouvelle « donne » économique que le système d'enseignement révèle à ceux qui sont soumis à l'obligation légale de le fréquenter sa vérité de « fabrique de chômeurs ». Le problème, évidemment, possède une dimension pédagogique. Mais la clé de sa compréhension n'est pas détenue par les pédagogues en leur champ propre d'analyse.

Sur le plan de l'action, ces derniers ne détiennent pas davantage les moyens de porter remède à une situation qui, pourtant, étale ses contradictions dans les salles de classe. Peut-être est-ce une des constantes des tentatives d'innovation pédagogique lancées depuis les années 1970, et quelles qu'en fussent les orientations doctrinales (méthodes actives, dynamique des groupes appliquée à la situation scolaire, non-directivité, individualisation des apprentissages et travail indépendant, introduction des aides de l'audiovisuel et des divers médias, etc.), que d'avoir, tôt ou tard, éprouvé la résistance des institutions et d'avoir servi d'analyseurs de leurs contradictions. Dans le lieu même de la formation, l'innovation manifestait que la solution des problèmes « pédagogiques » n'était pas entre les mains des acteurs immédiats de la relation éducative (maîtres et élèves, formateurs et stagiaires), mais renvoyait à d'autres agents, voire à d'autres instances anonymes, absents physiquement de l'interface éducative, mais l'habitant de leur présence « instituée » jusque dans la conformation des locaux et la conception du mobilier.

Ainsi, la fin du xxe siècle semble avoir vu le déclin du « pédagogisme ». L'éducation n'est pas à même de modifier l'état d'une société et, en particulier, de réguler, au mieux des intérêts de la collectivité et de ceux des individus, la promotion égalitaire et différenciée des talents. Mais, symétrique opposé de l'« illusion » (R. Lourau, 1971) ou de la « mystification » (B. Charlot, 1976) pédagogiques, un fatalisme sociologique semble avoir marqué les années 1960 et 1970 d'une manière que résume bien la phrase de Jean-Claude Passeron (1967) : « Rien de ce qui advient dans l'amphithéâtre n'a sa résolution dans l'amphithéâtre. »

Les grands ébranlements de la fin des années 1960 (1967 aux États-Unis, 1968 en Europe) marqueraient le sursaut des « maximalismes ». Fonction critique et fonction utopique uniraient pour un court moment leurs efforts et feraient penser autrement l'éducation. Mais les années 1970 ont vu la décrue, la double désillusion symétrique des enthousiastes et des planificateurs. Depuis lors, la pédagogie recourt à l'idéologie de la gestion pour sauver la fonction éducative par un surcroît de rationalité, aussi bien à l'échelle des grands systèmes d'enseignement qu'à l'échelle du « sous-système enseigner-apprendre », où les acteurs concrets de la relation pédagogique sont[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire de l'université de Genève
  • : professeur des Universités en sciences de l'éducation à l'université de Paris-X-Nanterre

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