PÉDAGOGIE Les approches contemporaines
Période contemporaine : radicalisation du problème de fond
Pour autant, les débats ne cessent pas, car, au fond, la pédagogie interroge directement l'école française. Or cette dernière fait piètre mine depuis le début des années 1990. Ses résultats moyens soutiennent l'effort des classes moyennes, et la « pyramide scolaire » s'est reconstituée plus massive et plus large, mais tout aussi sélective et élitiste que dans les années 1950. Or la pédagogie est ce qui reste de l'école, ce que chacun d'entre nous en retient lorsqu'il découvre ou retrouve l'émotion d'apprendre. Elle renvoie à des situations, des postures, des attitudes, découpant des relations « maîtres-élèves » et un climat de réussite qui débordent le strict résultat comptable.
C'est ce que nous enseignent les sciences humaines, venues en force à la rescousse de la pédagogie. Il n'est plus possible aujourd'hui de faire la classe sans avoir en tête que cette classe est un groupe, qu'il y a des résistances à la tutelle magistrale, que les relations cristallisent des transferts et des contre-transferts, que certains élèves ont plus ou moins consciemment « peur d'apprendre ». Nous savons qu'il y a des « effets classe », et des « effets établissement », qui sont liés aux personnes et aux personnalités. Il n'est plus possible de ne pas admettre que « l'estime de soi », la « résilience », ont des incidences centrales sur le désir d'apprendre, sur l'écoute du maître.
La profession enseignante est mutante, elle reprend ses études. C'est ce qui explique la violence des attaques contre la pédagogie et la structure qui est obsessionnellement entendue comme son « appareil », les sciences de l'éducation. Car les attaques redoublent, autour des « plans violence » (1990-2005) des différents ministères, qui, indirectement, remettent en cause la formation scolaire des professeurs, agrégés ou capésiens y compris, par une université ignorant tout, et s'en vantant, des méthodes actives. Dès lors, dans le déni, il faut trouver des responsables.
Ainsi la pédagogie serait soit une science sophistiquée et ingérable de la matière à apprendre, des situations « didactiques », dans sa version « techno-science », soit une posture éducative sans revendication de savoir, ou laissant le savoir sur le côté de la relation, où le maître se ferait l'accoucheur socratique de « l'élève »...
La pédagogie est aussi le fantasme d'une enfance idéale mais contrôlée. Ainsi la pédagogie active a souvent été caricaturée par ce genre de cliché : une classe se promenant dans les bois pour ramasser en groupe les feuilles en automne ! Mais, si nous y joignons des scientifiques, deux semaines de préparation, des rôles et des groupes de travail très ciblés, deux semaines d'exploitation et d'acquisition des connaissances, avec des renforcements individualisés, en « relation de découverte », nous avons là une « prépa » de « chercheurs ».
Et si la pédagogie, cette méthodologie toujours personnalisée de la transmission de savoirs, cet « accompagnement savant », était tout cela à la fois ? Si elle avait ce défi intime de trouver les « entrées » apprenantes, « l'apprenance » de l'élève, pour utiliser l'expression de Philippe Carré ? Comment se faire entendre d'un élève en échec depuis l'âge de cinq ans ? La didactique, la pédagogie de Paulo Freire, la formation des adultes n'y suffisent pas. En fait les radicaux de l'enseignement s'adressent aux premiers prix de la classe sous la IVe République. Les autres ne les intéressent pas. Mais tous s'ennuient. Heureusement, ces autres rencontrent parfois des « pédagogues ». Le pedagogein grec est cet accompagnateur, entre la famille et l'école[...]
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Écrit par
- Daniel HAMELINE : professeur honoraire de l'université de Genève
- Jacques PAIN : professeur des Universités en sciences de l'éducation à l'université de Paris-X-Nanterre
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