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PÉDAGOGIE Les problèmes de l'éducation scolaire

Apprentissage et progressions

On peut, à cette occasion, remarquer qu'on ne dispose en vérité d'aucune théorie sérieuse pour poser en termes assez rigoureux un problème capital et immédiat, parmi ceux auxquels s'affronte tout enseignement : celui des progressions. Rares sont, en effet, les cas où l'objectif visé serait aussi précis, aussi délimité que, par exemple, d'exécuter un point de tricot, de manier une règle à calcul ou d'extraire à la main (cela s'enseigne encore, hélas !) des racines carrées. Hormis ces exceptions parfaitement insignifiantes, la plus rigoureuse des « notions », le plus codifié des savoirs, peut changer complètement d'aspect selon le point de la chaîne où l'on choisit de l'insérer. Et il est même raisonnable de penser qu'aucun concept, qu'aucune pratique ne s'acquièrent une fois pour toutes, et que, dans la plupart des cas, l'élève aura à les réapprendre à différents niveaux, et à désapprendre au besoin des connaissances ou des habiletés qui, à un niveau antérieur, fonctionnaient assez bien pour un objectif donné. Or, si les problèmes de transfert, d'inhibition et d'interférences sont en psychologie de l'apprentissage des problèmes classiques, on ne sait les traiter convenablement que sur des séquences temporelles relativement courtes, et dans des conditions de laboratoire si strictes qu'il serait inconvenant de les tenir pour des modèles, même approximatifs, des conditions pédagogiques. Qu'un apprentissage demande quelques trimestres, ou quelques années, et voilà devenues bien inutiles ou bien précaires les « lois » du psychologue et ses essais de simulation. On comprend ainsi pourquoi tant de résultats, minutieusement recueillis par la pédagogie dite expérimentale (dont on ne cherche pas ici à critiquer, sur son propre terrain, la méthode et l'intérêt), apparaissent en définitive comme tellement insignifiants – et, pire, comme si peu reproductibles. N'est-il pas surprenant, par exemple, qu'une question aussi précise, aussi clairement définie, semble-t-il, que celle des méthodes d'apprentissage de la lecture n'ait jamais pu être réglée ? Sans doute s'agit-il là d'une activité plus complexe qu'on ne le supposerait de prime abord. Mais sans doute est-ce aussi qu'il y a plusieurs « lectures », plusieurs fonctions de la seule activité lexique, plusieurs emplois (et non pas seulement plusieurs niveaux) des processus de déchiffrement. Il serait donc légitime de considérer qu'on apprend ou réapprend à lire toute sa vie – et certainement pas en deux ou six années d'école primaire. Mais alors, il n'y a plus une, et une seule, pédagogie de la lecture. Encore moins une pédagogie du lecteur.

D'un autre côté, la didactique se voit imposer des limites par la multiplicité et par le changement constant des influences informatives ou formatives qui échappent à tout contrôle, mais qu'on ne saurait ignorer, même (et peut-être encore plus) si on les juge pernicieuses. Dans un colloque pédagogique du début des années soixante-dix sur les techniques audiovisuelles, les adversaires n'en finissaient pas d'objecter aux partisans de celles-ci les innombrables méfaits de l'image, les ravages de la télévision et du cinéma, les dangers de la propagande, et de fournir tous les exemples précis qu'on peut imaginer. Personne, parmi ces adversaires de bonne foi, et bien documentés, ne s'est avisé de prendre pour acquis le fait que la télévision et le cinéma existent, que les élèves les regardent inévitablement, et que, si on juge fâcheuse leur influence, il aurait peut-être fallu se demander comment aménager l'enseignement pour exploiter cette influence et la corriger au besoin. En bref, aucune action pédagogique explicite n'est isolable d'un ensemble perpétuellement changeant. Choisir une pédagogie,[...]

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  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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