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ALMODÓVAR PEDRO (1949- )

<em>Julieta</em>, P. Almodóvar - crédits : Canal+/Cine+/El Deseo/ Photoshot/ Aurimages

Julieta, P. Almodóvar

De la marginalité madrilène à la reconnaissance internationale, le parcours de Pedro Almodóvar n'est pas seulement celui d'un cinéaste couronné par le succès, mais aussi celui d'un anticonformiste qui a su mener à bien une expérience à la fois personnelle et populaire. Tout d'abord reconnu comme l'inventeur d'une nouvelle comédie de mœurs, pleine de Femmes au bord de la crise de nerfs (son premier grand succès hors d'Espagne, en 1988) et aussi de travestis, il impose son image de marque : un univers haut en couleur, déployant une esthétique pop revisitée. Mais cette marque de fabrique évolue grâce à la force et à la subtilité des drames qu'il compose dans la seconde partie de sa carrière. Ce sont alors les talents de conteur d'Almodóvar qui sont appréciés : il obtient l'oscar du meilleur film étranger pour Tout sur ma mère (1999), et remporte aussi celui, symboliquement plus prestigieux encore, du meilleur scénario pour Parle avec elle (2002). D'un genre à l'autre, son travail sur l'émotion fait le lien. C'est là la grande obsession du cinéaste : toucher le cœur des personnages nés de son imagination, toucher au cœur le spectateur.

Naissance d'un style

D'origine modeste, Pedro Almodóvar naît le 25 septembre 1949 à Calzada de Calatrava, village de la Mancha. Après une éducation qu'il qualifiera de « spectaculairement religieuse », et qu'il évoquera dans La Mauvaise Éducation (2004), il arrive à dix-sept ans à Madrid avec l'intention d'entrer à l'École de cinéma. Mais Franco vient d'ordonner sa fermeture et, n'ayant pas les moyens d'envisager de longues années d'études universitaires, Almodóvar trouve un emploi à la Compagnie nationale du téléphone. Ce travail lui permet d'observer la petite bourgeoisie urbaine dont il ignore tout et qui lui inspirera de nombreux personnages. 1974 est l'année de sa première réalisation, un court-métrage en super-8 muet, suivi d'une dizaine d'autres jusqu'en 1978. En quatre ans, des bars aux festivals pour amateurs et des galeries d'art à la Cinémathèque de Madrid, le cinéaste débutant s'est bâti une réputation qui attire un public de plus en plus large aux projections de ses films, conçues comme des shows très animés : la fiction est précédée de fausses actualités et de fausses publicités. Le réalisateur mime lui-même les voix de tous ses personnages, ou insère en direct, à l'aide d'un petit magnétophone, des chansons dans ses films. Le « style Almodóvar » est né. Jeu référentiel et parodique, croisement des genres, hardiesse et dérision, l'essentiel est déjà là.

Tout au long de sa carrière, le cinéaste restera fidèle à ce désir de faire de chaque film une présentation de ce qu'il aime, par exemple en plaçant dans le décor des œuvres d'art qui lui appartiennent (celles, notamment, d'un maître du collage, Dis Berlin, surtout dans Kika, 1993), ou en introduisant au cœur de la fiction des fausses publicités (jusqu'à Attache-moi !, 1990) ou l'extrait d'un film qui lui est cher, comme Duel au soleil (1946) de King Vidor dans Matador (1986). Avec Tout sur ma mère, il va plus loin, car c'est tout le film qui est construit autour d'une référence à All About Eve (1950) de Joseph Mankiewicz. Pour Parle avec elle, il tourne même un court-métrage muet enchâssé dans la fiction, L'Homme qui rétrécit, une de ses plus belles réalisations. C'est dans le débordement, les croisements (d'histoires, de personnages comme de courants et disciplines artistiques) que le cinéma de Pedro Almodóvar puise son originalité et son unité.

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<em>Julieta</em>, P. Almodóvar - crédits : Canal+/Cine+/El Deseo/ Photoshot/ Aurimages

Julieta, P. Almodóvar

<em>Douleur et Gloire</em>, P. Almodóvar - crédits : Manolo Pavon/ El Deseo/ BBQ_DFY/ Aurimages

Douleur et Gloire, P. Almodóvar

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