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CALDERÓN DE LA BARCA PEDRO (1600-1681)

Les « autos sacramentales »

Les autos sacramentales sont, sous la plume de Calderón, des pièces allégoriques de plus de mille vers, que l'on représentait le jour de la Fête-Dieu dans les rues des villes et des villages et dont le dénouement implique l'intervention divine matérialisée par l'Eucharistie. Le poète part de n'importe quelle donnée : de circonstance, biblique, mythologique ou de pure fantaisie. Il constitue en personnages les Vertus et les Vices, le Saint-Esprit, la Grâce et le Démon, la Raison et l'Erreur, bref, tout ce qui, à l'état labile et sans cesse altéré, intervient dans nos débats intérieurs, dans notre « psychomachie ». Or nous ne pouvons recouvrer notre équilibre intérieur et notre unité que dans la foi et parce que – mystère de la transsubstantiation – nos nourritures terrestres se muent en forces spirituelles.

Dans l'auto La vie est un songe, Calderón reprend, sous forme allégorique, l'intrigue de son fameux drame ; et l'on voit le Libre-Arbitre réduit à l'état d'esclave par les passions : l'Intelligence, éclairée par la Grâce survenue dans son sommeil, le libère de ses chaînes ; il peut alors hériter de Dieu le Père ses pouvoirs ici-bas. Dans Le Grand Théâtre du monde (El Gran Teatro del mundo), un baladin, le sieur Monde, met en scène des intrigues fantastiques où tout est fiction, tout est apparence : c'est l'image de notre vie. Dans Le monde est une foire (El Gran Mercado del mundo), la société des hommes est le lieu de toutes les tromperies et de tous les abus ; mais on peut y conclure aussi d'honorables marchés.

Le genre des autos, si populaire aux xviie et xviiie siècles, suppose une culture différente de la nôtre. Il fut cependant l'expression littéraire la plus adéquate de la vie intérieure, avec ses conflits et ses dépassements, dans un temps où la psychologie n'était pas confondue avec la physiologie.

Calderón a tenté d'imiter l'opéra italien dans de courtes pièces dites zarzuelas, du nom de la maison des champs du roi d'Espagne où elles furent représentées pour la première fois. Mais son génie dramatique confère au libretto plus d'importance qu'à la musique ou à la mise en scène. Ainsi en est-il de À quoi la rose doit son pourpre ? (La Púrpura de la rosa) : Mars, changé en sanglier, tue Adonis, dont Vénus, infidèle, s'était éprise. Le beau garçon est transformé en anémone, qui ne dure qu'un printemps. Or Vénus, se portant au secours du bien-aimé, s'est blessé le talon aux épines du chemin ; depuis, les gouttes de sang ont coloré les roses.

Le théâtre de Calderón est profondément enraciné dans le Madrid du xviie siècle, ville et cour des Habsbourg décadents. Éloigné de tout réalisme, il présente l'image idéale que la nation espagnole se faisait d'elle-même, noble, pieuse, fidèle à son roi, prodondément démocratique et égalitaire ; il la défend contre ses tentations de renouveau : plutôt supporter les contraintes et les conventions traditionnelles, sans doute éternelles, que de se soumettre à l'arbitraire de la grande aristocratie et au faux prestige de l'argent.

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris, directeur de l'Institut d'études hispaniques de l'université de Paris

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Pedro Calderón de la Barca - crédits : DeAgostini/ Getty Images

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