ARANDA PEDRO PABLO ABARCA comte d' (1718-1798)
Militaire et homme politique espagnol. Interrompant des études commencées chez les Jésuites et poursuivies à Bologne, Aranda s'engage dans l'armée (1736) et se distingue en Italie (blessé à Campo Santo, 1743) pendant la guerre de la Succession d'Autriche. Ambassadeur au Portugal en 1755, il apporte, dans sa correspondance avec le duc d'Albe, un témoignage sur la vie à Lisbonne au moment du tremblement de terre. Ses différends avec Pombal provoquent son départ en 1756. Ambassadeur en Pologne en 1760, il en est rappelé en 1762 pour reprendre l'invasion du Portugal après l'échec de Sarria ; les pourparlers de paix avec l'Angleterre interrompent une campagne victorieuse, où s'est manifesté son esprit de décision. En 1763, il est capitaine général de Valence. Après les émeutes contre Esquilache (mars 1766), approuvées, sinon préparées, par certains membres de la noblesse et du clergé, Charles III, désireux de rétablir l'ordre tout en poursuivant une politique réformatrice et éclairée, nomme Aranda capitaine général de Castille et le place à la tête du Conseil de Castille avec le titre de président (le gouverneur en était jusque-là toujours un prélat). Chargé de mener l'enquête secrète sur les émeutes, il fait partie du Conseil extraordinaire qui, avec Campomanes, prépara l'expulsion des Jésuites (1er avr. 1767). Grand d'Espagne, imbu de préjugés aristocratiques, mais esprit novateur, il fut utilisé par Charles III pour réaliser une politique de réformes administratives et économiques conçue par des ministres et des fonctionnaires, juristes de formation, surnommés golillas, originaires de la petite noblesse ou de la bourgeoisie, qui cherchaient à diminuer l'influence de la haute aristocratie et du clergé et à renforcer l'autorité royale. Aranda lui-même participa à l'effort fait par la monarchie pour gagner la faveur de l'opinion publique en abandonnant la voiture fermée du président du Conseil de Castille pour des promenades à pied dans Madrid. Il essaie d'implanter en Espagne un théâtre classique et régulier et, pour cela, fait appel à Clavijo, à Bernardo de Iriarte et à Olavide, avec lequel il paraît avoir eu des affinités (curiosité pour l'étranger et pour les livres français, irrévérence à l'égard du clergé) ; le succès des auteurs espagnols qu'il encouragea (Moratín le père, Cadalso, Ayala) et des œuvres françaises ou italiennes qu'il fit traduire ne dépassa guère le public restreint de la cour et du théâtre des Résidences royales (Sitios reales), qu'il fonda. Le caractère d'Aranda, franc, mais autoritaire et brutal, son aversion croissante pour le secrétaire d'État Grimaldi, ses critiques violentes contre la reculade espagnole dans l'affaire des îles Malouines (1770) indisposèrent Charles III, qui le fit tenir à l'écart, puis l'envoya en ambassade à Paris (juin 1773). Salué par Voltaire (« Épître 102 », Dictionnaire philosophique) comme l'Alcide espagnol vainqueur de l'hydre jésuite, regardé par les philosophes comme le Choiseul de l'Espagne, le « vertueux Aranda » déçut d'abord par son manque d'allure, de conversation et même de véritable culture ; sa curiosité pour les Lumières, son faste et peut-être aussi ses aventures galantes lui valurent cependant une certaine popularité. Il fut reçu dans les salons, devint l'ami de Necker, mais, s'il honora Voltaire, on ne peut affirmer qu'il ait connu directement les encyclopédistes. Tenu pour français en Espagne, il fut espagnol en France et combattit les préjugés anti-espagnols entretenus dans le public par Masson de Morvilliers (Nouvelle Encyclopédie, article « Espagne ») ou par Fleuriot de Langle (Voyage de Figaro en Espagne). Les amitiés qu'on le soupçonna d'avoir acquises dans[...]
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Écrit par
- Michel DUBUIS : chargé d'enseignement à la faculté des lettres et sciences humaines de Rouen
Classification
Autres références
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ESPAGNE (Le territoire et les hommes) - De l'unité politique à la guerre civile
- Écrit par Henri LAPEYRE
- 14 344 mots
- 18 médias
...l'habillement des Madrilènes (1766). La direction des affaires incomba à un grand seigneur aragonais, influencé par les encyclopédistes français, le comte d' Aranda, président du Conseil de Castille jusqu'en 1773. Plus tard, le principal ministre fut don José Moñino, comte de Floridablanca, d'abord procureur...