Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PEDRO PÁRAMO, Juan Rulfo Fiche de lecture

Le temps arrêté

Toutes les « âmes en peine » qui se font entendre sont torturées par un désir inassouvi, une passion dévorante : la soif de pouvoir, d'argent, de vengeance, le remords, le drame de la stérilité, la rancœur (« c'est une rancœur à vif », dit-on de Pedro Páramo). Tous, comme Juan Preciado, sont en quête de quelque chose – de leur origine, du père. Mais si Juan Preciado recherche son père, c’est pour se venger, pour récupérer, sur l'ordre d'une mère à l'article de la mort, ce que celui-ci leur a volé. Derrière chaque démarche, il y a la folie, la frustration, la solitude, l'inceste peut-être, suggéré par le narrateur ou par les voix elles-mêmes.

Le cadre géographique est celui d'un village de l'État natal de Rulfo, le Jalisco. Mais il disparaît, comme le rappelle Carlos Fuentes, derrière une fresque macabre et lyrique qui mobilise les mythes fondamentaux du monde rural mexicain hantés par le péché, la faute, la damnation. Pedro Páramo, c'est le temps arrêté, l'avènement du silence dans le monde des « murmures », la présence fantomatique et la revanche de la mort. Comala (le mot, d'origine nahuatl, évoque un lieu brûlant), le village de Pedro Páramo, ressemble à l'Enfer de Dante. La rigueur dialectale du livre est donc mise au service de la représentation des fantasmes et des superstitions, des grandes paniques de l'inconscient collectif hanté, comme chez Faulkner dont le romancier mexicain fut un lecteur assidu, par l'obsession de la faute, qui, d'après Rulfo, accable l'espèce humaine et qui se situe au cœur de sa propre esthétique littéraire.

— Claude FELL

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification