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SALINAS PEDRO (1891-1951)

« Amour, amour, catastrophe »

Le génie de Salinas se manifeste avec plénitude dans le drame d'amour dont deux livres, La Voz a ti debida (1933) et Razón de amor (1936), sont le commentaire brûlant. La Voix qui t'est due est un long poème qui retrace la naissance de la passion, l'extase et la séparation des amants. Poème d'amour ébloui, exultant, terrifiant, qui emprunte son titre à un fragment de vers de Garcilaso de la Vega, suivi de cette citation de Shelley : « Thou Wonder, and thou Beauty, and thou Terror. » Le thème en est la quête ardente, dans la joie, l'émerveillement ou l'angoisse, du corps aimé, de son image unique et multiple, et de son âme insaisissable toujours pressentie, toujours ailleurs. Ce poème d'une beauté intense, où la tendresse éperdue des accents se mêle à une lucidité d'analyse implacable, est à la fois une méditation sur la réalité de l'autre, sur l'oubli, la mémoire, le songe et la vie, la communication et la brisure de la présence et de l'absence : « Oui, au-delà des gens / je te cherche. / Non pas en ton nom si on le prononce, / non en ton image, si on la peint. / Au-delà, au-delà, plus loin. / Au-delà de toi je te cherche. » Le livre s'achève sur une composition pathétique qui montre, en une sorte d'allégorie, les ombres délirantes des amants séparés possédées du désir d'incarner à nouveau leur amour. Raison d'amour marque une certaine distance par rapport à cette expérience déchirante. Le chant d'amour devient plus tranquille ; la raison lui donne son équilibre, mais une raison qui est émotion pure, tumulte maîtrisé.

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

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