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PEER GYNT (mise en scène É. Ruf)

Il est des œuvres impossibles. Monstrueuses. Parce qu'elles brassent tout l'univers, défient les notions d'espace et de temps. Parce qu'au travers d'un destin c'est celui de l'humanité tout entière qui se dessine, accumulant les interrogations, laissant en suspens les réponses. Bref, des œuvres qui semblent rétives à toute représentation. Peer Gynt est de celles-là.

L'homme aux semelles de vent

De quoi traite-t-elle ? Rien de moins que de la vie entière d'un homme, de sa jeunesse à sa vieillesse, de ses rêves de grandeur et de richesse à sa chute et à la mort. Décidé à aller jusqu'au bout de lui-même, à ne réaliser que de « grandes choses », faisant de son existence un roman, Peer Gynt quitte sa fiancée, Solveig, et la Norvège des légendes, pour l'Orient des mirages et l'Afrique des déserts. Tour à tour gendre du roi des Trolls, marchand d'idoles et d'esclaves, prophète, empereur des fous, naufragé, il reviendra, vieilli et ruiné, pour apprendre que sa vie n'aura été en rien exceptionnelle et qu'elle ne valait même pas qu'il fût condamné à l'enfer. Il ne se sera montré ni trop mauvais ni trop bon, seulement moyen, et tout juste bon à disparaître dans la grande cuillère où sont fondues, pour en fabriquer d'autres, toutes les existences ordinaires. Lui qui croyait sans cesse « avoir été lui-même » se sera contenté de « se suffire à lui-même ».

Achevé en 1867 par Henrik Ibsen, alors en exil volontaire en Italie – il avait trente-neuf ans –, Peer Gynt n'était pas destiné primitivement à être représenté. De fait, ce « poème dramatique » ne sera créé sur une scène que neuf ans plus tard par son auteur, sous une forme considérablement amputée et accompagnée de la musique que l'écrivain avait commandé à Edvard Grieg. Le résultat ne lui plut pas : la partition romantique édulcorait la portée du texte et ses aspérités. Longtemps, Peer Gynt sera repris sous cette forme écourtée.

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Écrit par

  • : journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à La Croix

Classification

Média

Éric Ruf  - crédits : Jean-Erick Pasquier/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Éric Ruf