GUGGENHEIM PEGGY (1898-1979)
Amateur d'art enthousiaste, collectionneur éclairé, mécène, marchand, Peggy Guggenheim fut étroitement mêlée à la création artistique de son temps. Et c'était lui rendre un très juste hommage, dans l'exposition Paris-New York organisée en 1977 au Centre Georges-Pompidou, que de faire de la reconstitution de la galerie Art of this Century qu'elle anima avec passion et discernement l'un des jalons majeurs de la manifestation.
Américaine, riche, indépendante, et, selon sa propre expression, quelque peu « désœuvrée », c'est à Londres, en 1938, que Peggy Guggenheim décide d'ouvrir une galerie, puis de suivre les traces de son oncle, le célèbre Solomon Guggenheim, et de constituer un musée d'art contemporain. Dans un style extrêmement direct et imagé, elle a raconté à plusieurs reprises comment, conseillée par son vieil ami Marcel Duchamp, puis par Herbert Read et Petra von Doesburg, elle arrive à Paris à la veille de la Seconde Guerre mondiale munie d'une liste de noms d'artistes et décidée à vivre au régime « d'une acquisition par jour ». Avec 40 000 dollars, Peggy Guggenheim acquiert alors les pièces maîtresses d'une collection, dont la singularité fut certainement de représenter l'ensemble des courants avant-gardistes qui s'étaient succédé en Europe depuis le début du siècle : cubisme, futurisme, constructivisme, suprématisme, abstraction, puis Dada et surréalisme. Et si l'on voulait citer l'ensemble des œuvres qui furent présentées à Paris à l'Orangerie des Tuileries en 1977, il faudrait mentionner les plus grands noms de l'art du xxe siècle.
Fuyant la guerre, Peggy Guggenheim rentre à New York en 1941 et ouvre le 24 octobre 1942 la galerie Art of this Century, dont l'étonnante architecture est l'œuvre de Frederick Kiesler. Les tableaux sans cadre y étaient suspendus hors des cimaises. En montrant la collection qu'elle avait constituée en Europe, en accueillant non seulement une très grande partie des artistes exilés à New York, et plus particulièrement les surréalistes – elle est alors la femme de Max Ernst –, mais également de jeunes artistes américains comme Motherwell, Baziotes, Rothko, Gottlieb et Jackson Pollock, Peggy Guggenheim fit certainement de sa galerie un lieu d'échanges féconds pour tous ces artistes. Là, ils prirent conscience de la nécessité d'instaurer un art indépendant américain ; ainsi naquit l'expressionnisme abstrait. C'est en 1943 que Peggy Guggenheim rencontre Jackson Pollock et décide de l'aider en devenant son mécène, beaucoup plus que son marchand, puisqu'il était à l'époque bien difficile de vendre ses œuvres. En 1948, Peggy Guggenheim revient en Europe. « J'aimais plus l'Europe que l'Amérique », dira-t-elle, et alors que la XXIVe biennale de Venise expose sa collection, enrichie des œuvres des artistes américains, dont une dizaine d'œuvres de Jackson Pollock, elle décide de se fixer à Venise et d'y installer son musée personnel. Elle achète le Palazzo Venier de Leoni, situé à proximité du Grand Canal, l'aménage pour recevoir les quelque deux cents pièces, peintures et sculptures, que comporte alors sa collection et l'ouvre au public en 1951.
La fondation Peggy-Guggenheim est la propriété du Solomon R. Guggenheim Museum de New York qui l'administre, mais elle restera, selon la volonté de sa généreuse donatrice, le grand musée d'art moderne de la ville de Venise, aussi longtemps que la cité des doges résistera à la lente destruction qui la menace.
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Écrit par
- Maïten BOUISSET : critique d'art
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