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PEINE DE MORT

La société a-t-elle le devoir et le droit de condamner à mort ceux qui violent ses lois et qui portent atteinte à leur prochain ? Peut-on venger le crime illégal par le meurtre légal ? Pendant des siècles, ces questions ont rencontré une réponse unanimement positive, soit que la condamnation à mort ait été ressentie comme une réparation indispensable de l'ordre des choses, soit que le corps social n'ait trouvé que dans la crainte, inspirée par le châtiment, le garde-fou de sa propre sécurité. Il a fallu les excès mêmes de cette justice immanente comme de cette répression cruelle pour qu'apparaisse l'autre face de la question : la justice n'a-t-elle pas aussi comme rôle de donner une nouvelle chance réparatrice à ceux qui ont violé ses lois ? D'exterminatrice ou, si l'on préfère, de protectrice des droits établis, la justice ne doit-elle pas devenir aussi éducatrice, c'est-à-dire également protectrice des coupables, si souvent eux-mêmes malchanceux ? Or la mort est délibérément la suppression de tout amendement possible. La peine de mort, si elle est punition et autoprotection, est aussi, de la part de la société, l'aveu de son incapacité à corriger, au sens pédagogique du terme. Chaque société a donc le code pénal, les sanctions et les prisons qui la jugent elle-même. Dans de nombreux pays, on assiste aujourd'hui à la suppression légale de la peine de mort ou à la progressive désuétude de sa mise en application. Mais dès que la société se sent menacée (conflit politique, conflit idéologique, recrudescence de criminalité, fléau social : le trafic de la drogue par exemple), une grande partie de l'opinion publique s'élève en faveur soit de son rétablissement, soit de sa mise en application. La société témoigne-t-elle par là de sa versatilité émotionnelle ? Ne montre-t-elle pas plutôt que le vrai débat ne pourra jamais se régler au niveau des principes (car chaque camp a des arguments impressionnants), mais au niveau de leur mise en application dans le régime des prisons. Éliminer ceux que l'on estime irrécupérables, c'est toujours un constat d'échec qui atteint l'ensemble des membres d'une société.

La discussion théorique sur la légitimité de la peine de mort débouche donc immanquablement sur une réflexion pratique concernant le sens des peines infligées par une société et sur le régime pénitentiaire dont celle-ci dispose, humainement et financièrement, pour faire passer dans les actes ce sens et pour le rendre crédible.

Une loi commune jusqu'au XIXe siècle

Loi du talion et vengeance sacrificielle

Dans les anciennes sociétés, le sang de la victime crie vengeance contre celui qui l'a versé. La vendetta est la réponse à ce cri ; la famille ou la tribu prend en charge de rétablir l'ordre rompu par le crime en accomplissant une justice compensatrice et réparatrice que les dieux eux-mêmes réclament. Mais peu à peu on voit les codes réglementer cette vengeance familiale, afin d'approprier le châtiment au crime commis et du même coup de protéger aussi les coupables contre l'excès d'une vengeance démesurée et interminable. Dans la Bible par exemple, Caïn, bien que coupable, est défendu contre ceux qui voudraient le tuer (Genèse, iv, 15), alors qu'au contraire Lamek est le symbole d'une colère insatiable (Genèse, iv, 23-24). Quand naît l'État, la peine de mort est très fréquemment réglementée. Le code d'Hammourabi (2285-2242 av. J.-C.) énumère les diverses mises à mort par le feu, l'eau et le pal. Les livres du Lévitique et de l'Exode sont remplis de motifs de mises à mort (pour meurtre, rapt en vue de mise en esclavage, mais aussi idolâtrie, sorcellerie, non-observance des lois rituelles, enfin adultère, inceste, sadisme, bestialité, prostitution). Habituellement,[...]

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Écrit par

  • : pasteur, président du journal Réforme
  • : président-fondateur d'Ensemble contre la peine de mort, éditeur, écrivain

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Média

Chaise électrique - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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