PEINTURE DE GENRE
La peinture de genre à l'époque de la hiérarchie des genres (XVIIe et XVIIIe siècles)
Au xviie siècle, la peinture de genre rencontre un succès croissant, parallèlement à l'estampe, qui accueille largement les thèmes « bas » (J. Callot, J. Bellange, A. Bosse...). Après les expériences caravagesques, les peintres italiens, absorbés par la grande peinture narrative, abandonnent aux artistes nordiques ce champ pictural encore à peine défriché. Certes c'est à Rome que naît la bambochade, mais l'inventeur de ce genre appelé à un succès international est un Hollandais, Pieter van Laer (surnommé il Bamboccio), qui à partir de 1630 se fait une spécialité des scènes populaires situées dans des ruines antiques ou des paysages italiens. En France, la demande d'un nombre croissant d'amateurs explique le succès des scènes paysannes des Le Nain, dont l'originalité tient au refus du burlesque et de l'anecdote des « gueuseries » flamandes, et à l'étonnante alliance d'un réalisme sans concessions et d'une solennité presque religieuse. Pourtant la ferme adhésion de l'Académie royale de peinture et de sculpture (fondée en 1648) à la théorie italienne de la primauté de la peinture d'histoire, et l'élaboration d'une stricte hiérarchie des genres freinent le développement d'une peinture de genre nationale. En Espagne, où la production picturale est dominée par la peinture religieuse et le portrait, la scène de genre est représentée seulement par d'énigmatiques peintures ténébristes de la période sévillane de Velázquez (Le Marchand d'eau, vers 1620, Wellington Museum, Londres), et, surtout à partir des années 1660, par les tableaux de Murillo montrant des enfants en guenilles jouant dans des ruines ou des paysages, traités dans une veine sentimentale (Le Mendiant, Louvre).
Les Flandres catholiques sont plus favorables à la peinture de genre. Peintre universel, Rubens renouvelle les thèmes courtois dans Le Jardin d'amour du Prado (vers 1630) et ses nombreuses scènes de chasse. Adriaen Brouwer perpétue la tradition de satire du monde paysan dans de petits tableaux qui décrivent toutes sortes de débordements et de comportements peu raffinés. David Téniers II embrasse une gamme beaucoup plus large de sujets traditionnels ; il contribue aussi à la diffusion de thèmes nouveaux, comme la représentation des cabinets d'amateurs, imaginaires ou réels. Jacob Jordaens renoue pour sa part avec les illustrations de proverbes moralisateurs dans des tableaux de grand format.
C'est dans les Pays-Bas du Nord que la scène de genre connaît un développement sans précédent. Pour la première fois dans l'histoire de la peinture, la vie quotidienne des êtres anonymes devient le sujet des peintres de figures, dans un pays dominé par la religion calviniste, qui professe un iconoclasme rigoureux et tend à valoriser la vie laïque. Le phénomène, parallèle à l'essor du paysage, de la vue urbaine et du portrait répond à la demande des classes moyennes qui gouvernent économiquement le pays.
Une part de la peinture hollandaise reste enracinée dans l'héritage flamand : joyeuses compagnies, scènes paysannes, intérieurs montrant des servantes au travail, des charlatans, des érudits. Un des artistes les plus proches de cette tradition est Jan Steen, dont les peintures montrant des personnages s'adonnant à leurs passions ont un contenu satirique manifeste. Mais à partir du milieu du xviie siècle s'affirme une conception spécifiquement hollandaise. À Amsterdam notamment, Gabriel Metsu et Gérard Ter Borch peignent des intérieurs raffinés où des femmes écrivent ou lisent des lettres, font leur toilette, reçoivent des visites, s'occupent de leur intérieur et de leurs enfants. La virtuosité de l'imitation tactile et optique des étoffes et du cadre de vie explique[...]
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Écrit par
- Anne le PAS de SÉCHEVAL : maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Médias
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