Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PEINTURE Les catégories

Les genres

La distinction des genres

On sait, notamment par Pline (Histoire naturelle, livre XXXV), que la distinction des genres était connue dans l' Antiquité. Il remarque qu'un certain Piraïkos, qui vivait, semble-t-il, vers la fin du ive siècle et était spécialisé dans la représentation de « boutiques de barbiers et de cordonniers, des ânes, des provisions de cuisine et autres choses semblables », vendait ses tableaux plus cher que de « très grandes œuvres » d'autres peintres. La nuance péjorative qui s'attachait à de telles représentations (baptisées « rhopographie » ou « rhyparographie », représentation d'objets insignifiants ou dégoûtants) était balancée par l'admiration pour la virtuosité illusionniste de l'artiste. Selon une anecdote inlassablement reprise dans la tradition occidentale, les oiseaux venaient picorer les raisins peints par Zeuxis. L'idée n'en a pas moins été fortement établie par Aristote que la valeur d'une œuvre dépend du contenu moral dont est chargée la représentation.

<it>Nature morte avec des œufs et une cruche de lait</it> - crédits :  Bridgeman Images

Nature morte avec des œufs et une cruche de lait

Bien des natures mortes représentées sur les murs de Pompéi doivent reproduire des tableaux autonomes. La nature morte antique comprenait des xenia, tableaux de victuailles et don d'hospitalité, des représentations de tables servies et des corbeilles de fleurs. Le portrait a également eu une vie autonome et on en conserve la trace, tardive, dans les portraits funéraires du Fayoum. La légende voulait qu'à l'origine de la peinture il y ait un profil, celui de son amant à la veille de partir que la jeune Corinthienne Dibutade dessina sur un mur pour en conserver le souvenir ; il est probable en effet que le portrait de profil, celui qu'on trouve sur les monnaies, a été le premier pratiqué. La « mégalographie » se consacrait à des sujets nobles, comme la Bataille d'Alexandre, bien connue par la copie en mosaïque trouvée à Pompéi.

<it>Portrait d'un magistrat municipal et de sa femme</it> - crédits :  Bridgeman Images

Portrait d'un magistrat municipal et de sa femme

Sarcophage d'Artémidoros - crédits :  Bridgeman Images

Sarcophage d'Artémidoros

Jean II le Bon - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Jean II le Bon

La disparition quasi complète de la peinture de chevalet pendant le Moyen Âge entraîne évidemment la disparition des genres, qui réapparaissent progressivement à partir du xive siècle. La renaissance de la peinture de chevalet suppose l'affaiblissement de la conception purement religieuse et communautaire de la peinture médiévale (si du moins notre vision n'est pas faussée par la disparition de presque tout vestige de l'art profane). Dès les années 1330-1340, on trouve des niches peintes en trompe-l'œil par Taddeo Gaddi et un paysage célèbre occupant le fond de la fresque du Bon Gouvernement par Ambrogio Lorenzetti à Sienne, mais il s'agit de motifs secondaires à l'intérieur de peintures murales. Le premier genre à réapparaître dans la peinture de chevalet est le portrait ; on sait du reste que le premier tableau de chevalet français, qui est en même temps le premier portrait isolé que l'on possède, est l'effigie à la détrempe, peinte vers 1355, du roi Jean II le Bon, vu de profil (Louvre). Il n'est pas indifférent que le roi fut un des premiers grands mécènes, dont les fils poursuivirent et développèrent l'activité.

Les autres genres se raniment progressivement, à partir d'éléments contenus auparavant dans la peinture religieuse, après le changement de mentalité et de vision qui provoqua la redécouverte de la profondeur aérienne : les fonds de paysage et les accessoires réalistes, souvent confiés à des spécialistes dans les ateliers de la fin du Moyen Âge, sont vraisemblablement à l'origine des genres autonomes du paysage et de la nature morte. La représentation isolée d'un thème de nature morte ne pouvait se concevoir d'abord que chargée d'un sens religieux, ainsi des Vanités qui apparaissent au xve siècle sur les volets des retables flamands. En Italie, les premiers paysages et natures mortes conservés, qui montrent la connaissance de l'art[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Médias

La Chambre des époux, A. Mantegna - crédits : M. Carrieri/ De Agostini/ Getty Images 

La Chambre des époux, A. Mantegna

Palais du Palatin, Rome - crédits : Index/  Bridgeman Images

Palais du Palatin, Rome

Décor en trompe l'œil, villa Farnésine, Rome - crédits :  Bridgeman Images

Décor en trompe l'œil, villa Farnésine, Rome

Autres références

  • ALLEMAND ART

    • Écrit par
    • 1 322 mots

    Parler d'art allemand, comme d'art italien ou d'art français, n'a rien qui surprenne aujourd'hui, tant ces catégories semblent évidentes. Apparues avec l'essor de l'histoire de l'art au xixe siècle, elles sont pourtant relatives et problématiques, car cet essor,...

  • ANNEXES - DE L'ŒUVRE D'ART (J.-C. Lebensztejn) - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 972 mots

    Les éditionsLa Part de l'Œil, ont eu l'heureuse idée de publier, en 1999, dans la collection « Théorie », un recueil de textes de Jean-Claude Lebensztejn. Ces Annexes caractérisent bien la manière de Lebensztejn, car même ses grands livres – L'Art de la tache (éditions...

  • ART (Le discours sur l'art) - Sémiologie de l'art

    • Écrit par
    • 3 569 mots
    On prendra comme exemple privilégiél'objet pictural : le tableau est un texte figuratif et un système de lecture. Il se voit globalement, comme une totalité qui implique non seulement un point de vue qu'éventuellement un code perspectif peut déterminer, mais aussi le retranchement de l'espace du...
  • ART & THÉOLOGIE

    • Écrit par
    • 6 741 mots
    • 1 média
    ...époque nouvelle où tente de se fixer une iconographie – iconographie d'où la création artistique tendra progressivement à s'échapper. Lorsqu'on regarde attentivement une séquence biblique de Giotto, un Arbre de la croix de Taddeo Gaddi, un Christ mort de Lorenzetti, une Trinité...
  • Afficher les 27 références